Quelques expressions populaires faisant référence à la caille:
« Chaud comme une caille »
Cette expression peut être prise dans deux sens:
-D’abord un sens littéral: plusieurs auteurs, dont Buffon, disent qu’il y a plus de chaleur dans le corps des cailles que dans celui d’autres oiseaux. Ce dernier ajoute même que les chinois s’en serviraient pour se réchauffer les mains. Dans le « Dictionnaire du bas-langage ou des Manières de parler usitées parmi le peuple » (1808), D’Hautel, relève que cette expression s’applique à « quelqu’un de brulant et de très agité ».
-Le second sens fait allusion à la vigueur sexuelle de la caille et dérive en partie du premier sens: la chaleur du corps de la caille est censée se transmettre au corps de celui ou celle qui la consomme et le pousser à l’acte sexuel.
Pour cette raison, la caille a une réputation aphrodisiaque, et est très prisée par les romains. Elle figure d’ailleurs au menu de tous les repas orgiaques.
Au moyen âge, le coeur de caille rentre fréquemment dans la fabrication de filtres d’amour. Plus tard au 16eme siècle, certains médecins conseillent aux époux de porter sur eux un coeur de caille afin d’entretenir la flamme conjugale. Le mari doit porter en permanence sur lui un coeur de caille mâle, tandis que la femme porte le coeur d’une femelle.
Cela permet aussi d’une façon générale de s’attirer l’amour de son entourage et de faciliter les conquêtes amoureuses. L’expression « Une caille coiffée » désignait une femme amoureuse, ou ardente en amour. D’Hautel les définit comme « des femmes sans pudeur, qui prennent des airs libres et dégagés ».
En Angleterre (mais aussi en France) le nom de l’oiseau à pris un sens plus radical: Il est devenu synonyme de prostituée ou de courtisane (en raison de l’attitude lascive prêtée à la caille).
Carte vivante du restaurateur (19eme siècle): un boeuf à la mode et une caille
Dans la gravure ci-dessus on peut voir une jeune et jolie femme (« la caille », personnifiée par l’artiste) assise à la table d’un restaurant, et ardemment courtisée par son voisin. La légèreté de moeurs de cette dernière, qui plus est dans un lieu public, laisse soupçonner qu’il s’agit d’une courtisane, ou tout du moins d’une femme entretenue.
On retrouve dans plusieurs villes européenes des « rues des cailles », dont le nom vient directement de leur fréquentation par des prostituées (Il peut également exister d’autres raisons, cf article toponymie). C’est sans doute à cause de cela qu’encore de nos jours, le terme de « caille » s’applique en argot à une jolie fille, peu farouche.
Les migrants européens qui se sont rendus aux états unis dans le courant du 19eme siècle ont emporté avec eux cette image, comme en témoigne le jeton ci-dessous. Ce dernier, datant de 1875, provient d’une maison de passe. On peut y voir une pièce de monnaie conventionnelle sur laquelle on a fixé au dos une représentation de caille.
Au Japon en revanche, la caille est un symbole d’amour et de fidélité.
Ce type de symbolique, assez paradoxale peut également se retrouver en Europe. Voici ci dessous le détail d’une fresque située au 1er étage des archives du Vatican à Rome (salle des patriarches). Il s’agit d’une personnification du mariage: la femme à les cheveux attachés, et le regard tourné vers le bas en signe de chasteté. Elle tient dans son tablier une caille symbole d’amour et de fidélité, l’oiseau même que dieu avait envoyé au peuple d’Israël afin de les nourrir alors qu’ils se trouvaient dans le désert.
« Gras, rond comme une caille »
La caille a une forme ronde, et a une propension naturelle à accumuler des réserves de graisse à la fin de l’été. Cela lui permet d’entreprendre son voyage retour vers l’Afrique. Ces réserves sont spectaculaires, et les cailles ont parfois beaucoup de mal à s’envoler. La caille est chassée à cette période précise (fin août / début septembre) et est particulièrement recherchée. La graisse accumulée exhale la finesse de sa chair, et en fait un met de choix. Sa rondeur est devenue au fil du temps proverbiale…
« Querelleur comme une caille »
Cette expression, aujourd’hui tombée en désuétude, fait référence directement à la nature querelleuse des mâles cailles des blés. Dès le Veme siècle avant JC, Aristophane écrivait à propos d’enfants en train de se disputer « Ils sont querelleurs comme des cailles tenues en cage ».
Il suffit bien souvent de mettre deux mâles en présence pour déclencher immédiatement un combat, qui peut aller jusqu’à la mort si l’on les sépare pas. Cette aptitude naturelle à souvent été détournée, et cela dès l’antiquité, pour organiser des combats publics.
A noter que ces pratiques, qui ont progressivement disparues en Europe, se sont poursuivies jusque dans les années 1950, et même au-delà, dans de nombreux pays asiatiques.
« Ma caille » (sens affectif)
l’expression « La caillette » désignait à l’origine une femme frivole et bavarde. D’Hautel relève qu’il peut même agir d’un « nom injurieux que l’on donne à une commère ou une méchante langue ».
Par extension (sens de frivole), cela pouvait également désigner une femme élégante, ou une femme ardente.
Sur cette gravure éditée par les chocolats Guérin Boutron au début du 20eme siècle, on peut d’ailleurs voir l’oiseau personnifié sous la forme d’une jeune femme d’apparence frivole (chapeau et manteau élégant) et apparemment sensible au froid (malgré son manteau doublé de fourrure, cette dernière se tient devant la cheminée).
Ce terme (ex: « ma caille ») peut également avoir un sens affectif en langage familier, et désigner un enfant ou une jeune femme.
Aujourd’hui encore, une « caille » en argot populaire désigne une jolie fille, aux murs légères.
Sur la carte postale humoristique ci-dessous (Te parfumes tu pour déguster une caille sur canapé?) c’est ce sens qui à été retenu.
« Chasser la caille »
Il est intéressant de remarquer que le terme populaire de « caille », désignant une jolie fille peu farouche, donnera par extension l’expression « chasser la caille » (« Draguer » de jeunes filles), toujours utilisée de nos jours. Cette expression est déjà employée au 18eme siècle.
Gravure de Debucourt (18eme siècle) »Elle est prise »
Sur la gravure ci-dessus, on peut observer le parallèle entre la servante, courtisée et séduite par un jeune galant, et une scène de chasse au filet située sur la gauche, ou l’on voit un oiseleur en train de capturer des cailles. L’auteur compare sans équivoque chasse et séduction, comme le montre le titre choisi: « Elle est prise ».
Cette expression devient monnaie courante à partir du 19eme siècle. comme le montrent de nombreuses gravures, cartes postales, mais aussi certaines chansons populaires ou paillardes de l’époque. C’est alors que nait l’image d’un chasseur épicurien, gai luron, qui profite de son loisir favori pour séduire de jeunes paysannes, servantes, rencontrées au détour d’un chemin.
Carte postale érotique de G Mouton, fin 19eme, début 20eme siècle « Moi je ne chasse que la caille! »
Chasseur de cailles « N’ayez pas peur mademoiselle,je ne suis pas un boche!… »
Ci-dessus, un dessin paru en couverture de la revue humoristique le sourire du 09/02/1907:
« -Dis donc, petite, ou peut-on trouver de la caille par ici?
-A la ferme, dans ma chambre, monsieur l’comte. »
Cette image du chasseur bon vivant n’est pas seulement l’apanage de la France, comme le montre cette gravure allemande de la première moitié du 19eme siècle. On peut y voir un bel exemple de « drague » champêtre. Elle est intitulée « Die Hühnerjagd » (littéralement « chasseur de poules »), mais sa traduction la plus fidèle en français serait sans aucun doutes « Chasseur de cailles ». On remarquera d’ailleurs au passage les cailles portées à la ceinture par le chasseur.
Cette carte postale humoristique éditée dans les années 1950/60 montre que l’expression à perduré tout au long du 20ème siècle, jusqu’à nos jours. Notre chasseur séducteur est encore à l’oeuvre, et ne perd pas de vue son « gibier ». La séduisante jeune fille, un brin aguicheuse, représentée aux côtés du chasseur illustre sans aucune équivoque le sens populaire de l’expression « jolie caille ».
Commentaires récents