Les anglais ont leur « Glorious twelve » (12 août) pour l’ouverture de la grouse. Plus modestement, j’ai mon dernier week-end d’août avec l’ouverture anticipée de la caille, que je ne raterais pour rien au monde…
Je suis arrivé par train tard dans la nuit afin d’être au rendez vous. Juste le temps de préparer mon fusil et quelques cartouches avant de me coucher. La nuit est courte…
De bonne heure le lendemain je me rends dans un grand chaume situé à quelques centaines de mètres de chez moi avec deux de mes setters anglais.
En route, j’observe les champs alentours. Les chaumes sont particulièrement rares cette année, et je constate avec tristesse que de nombreux agriculteurs ont mis à profit les dernières pluies pour les broyer.
Honneur aux anciens: May à droit au premier tour. Les cailles du matin dans la rosée ne tiennent pas toujours bien l’arrêt, et il faudra toute l’expérience de mon vieux setter et ses arrêts de marbre si je veux prendre quelques photos.
Je me dirige directement vers la bordure au fond du champ que je sais être la plus favorable.
Il est sept heures: les herbes sont encore envahies de rosée, et je regarde le soleil monter doucement derrière la colline. Quand je tourne la tête, May est déjà à l’arrêt. Il est immobile à cinquante mètres de moi, à demi couché dans le chaume herbeux et je sais déjà à son attitude que la caille est tapie à un mètre à peine de lui.
Je souris en pensant: « Elles sont la! ». Je m’avance vers lui, puis je passe doucement devant le chien. Une caille fait un magnifique départ enroulé à un mètre de moi, et s’enfuit à tire d’aile vers le tournesol voisin. Je la salue en vain de trois salves. Je grimace un peu: pas en forme ce matin! Mauvais présage?
Quelques coups de feu commencent à éclater dans la campagne, signal que l’ouverture est bien lancée. May insiste sur la bordure. Un groupe de quatre cailles se lèvent hors de portée au seul bruit du chien et se remisent dans le tournesol. Dommage!
La rosée rend le travail difficile par endroit. May ralentit un peu et m’indique la présence d’oiseaux sans trop savoir ou ces derniers se trouvent. Une caille décolle. J’épaule, je tire… Elle plonge à la limite à du champ, tuée net. Je la ramasse et je constate qu’il s’agit d’un magnifique petit mâle. Ma première caille de la saison…
Sans s’attarder sur ce premier succès, le chien repart immédiatement. Il continue d’insister et multiplie les passages, ratissant conscienscieusement l’étroite bordure. Quelques instants après May se fige une nouvelle fois à l’arrêt.
Deux cailles giclent brusquement et partent dans des directions opposées. Mon premier tir fauche immédiatement la première. J’ai le temps de me retourner et d’abattre la seconde dans la foulée. Je fonce la ramasser tandis que May me rapporte impeccablement le premier oiseau: Il est en effet très facile d’égarer les oiseaux blessés ou morts.
Encore deux petits mâles! Cela va mieux… Un peu rassuré par ce doublé je poursuis ma route.
Sur le coup de huit heures, des petits groupes de chasseurs arrivent d’un peu partout dans la campagne. Cinq, six voitures fourgonnette passent l’une derrière l’autre devant le chaume. Leurs conducteurs sont des chasseurs et je vois ces derniers ralentir et scruter les chaumes. Fini la tranquillité! Deux groupes de trois chasseurs, sans doute attirés par le bruit de mes tirs, rentrent dans le chaume que j’occupe et je comprend vite qu’il me sera difficile de continuer à chasser dans ces conditions. Je traverse la route pour me rendre au chaume voisin espérant un peu plus de calme. Je remarque à l’angle d’un tournesol un grand tapis d’herbes qui semblent être un terrain favorable. J’y engage May qui tombe immédiatement à l’arrêt.
Après être resté immobile quelques secondes, le chien commence à couler rapidement en direction du champ voisin. Je réalise que la caille à déja pièté en direction du tournesol encore sur pieds et s’y est mise à l’abri. Inutile de l’y poursuivre.
D’autres chasseurs continuent à arriver d’un peu partout et les deux ou trois chaumes attenants sont littéralement envahis. Cela devient une vraie foire d’empoigne! Il est vrai qu’il reste tellement peu de chaumes intacts. Ces derniers se sont rabattus par dépit sur les quelques champs restants. Leur nombre sur une si petite surface commence à friser le ridicule…
Je bat en retraite vers mon véhicule pour y ramener May.
Au tour du plus jeune, Aslan. Le jeune setter entreprend d’un galop souple et rasant d’explorer le grand chaume ou je suis revenu. Dans la campagne, les coups de fusils se sont tus. Beaucoup de chasseurs découragés par le petit nombre de cailles et les rares chaumes disponibles rebroussent chemin et remontent dans leurs véhicules aussi rapidement qu’ils étaient venus. Le calme revient progressivement…
Malgré ses efforts Aslan ne parviendra qu’à mettre à l’envol une caille dont il n’avait pas su deviner la présence. Dommage pour ce jeune chien! J’avais espéré le mettre en présence de davantages d’oiseaux. Il y aura d’autres occasions dans la saison… Il est déjà neuf heures et la chaleur monte progressivement. C’est à mon tour de partir.
Tandis que je range mon fusil dans ma voiture, mes impressions sont mitigées. C’est une « petite » ouverture, et il est évident que les oiseaux seront plus rares cette année. En 2006 j’avais prélevé neuf oiseaux (et levé plus du double) lors de ma première sortie dans ce même chaume. Peut être les passages à venir seront ils meilleurs? Je rentre néanmoins heureux d’avoir vu voler huit ou neuf oiseaux, avec quelques beaux arrêts à la clef.
Cette année encore l’Association Nationale des Chasseurs de Cailles organise un concours amateur sur cailles sauvages. Ce dernier se déroulera le samedi 19/07/2014 sur les communes de Belpech, Molandier (11) Mazeres et Gaudies (09).
Les bulletins d’engagement sont disponibles en téléchargement sur le blog de l’association:
http://chasseur-de-cailles.blog.fr/2014/04/03/concours-cailles-sauvages-ancc-18136147/
L’air s’est radouci depuis quelques jours et semble annoncer le printemps. J’ai deviné leur présence. Elles sont sûrement la, quelque part, invisibles, dans les blés encore verts. Enfin de retour de leur long périple africain.
Ce n’est que quelques jours plus tard, vers le soir, alors que me promenais dans le fond du jardin, que j’ai enfin eu confirmation de mes soupçons. J’ai entendu une caille chanter timidement. Au fil des minutes, l’oiseau s’est enhardi. Guidé par son chant, j’ai marché vers la friche voisine. Je me suis approché, tout doucement, presque sur la pointe des pieds, avec le secret espoir d’apercevoir le mâle debout parmi les herbes, en train de pousser son cri d’amour. Mais l’oiseau s’est brusquement tu. Un peu à regrets, je me suis alors éloigné.
Lors du dîner sur la terrasse, j’aurais beau essayer par moments de tendre l’oreille: ce soir la, je n’entendrais pas la caille chanter de nouveau.
Les jours ont passé. Je profite d’une belle après midi ensoleillée, en ce début de mois de mai, pour faire une ballade avec un de mes setters. Après avoir fait un rapide crochet dans le pré voisin, je traverse la route pour entrer dans une ancienne friche, littéralement envahie de trèfles en fleurs. L’air est doux. Je surveille du coin de l’oeil Aslan mon jeune mâle qui entreprend de déployer sa quête, sans doute à la recherche d’un couple de perdreaux.
Tout à mes pensées, je sursaute brusquement en entendant un bruissement d’ailes. Deux magnifiques cailles viennent de se lever simultanément, presque sous mes pieds. A peine dérangées, ces dernières volent sur une cinquantaine de mètres, en décrivant un léger arc de cercle, et se reposent à la limite d’un fossé.
L’occasion est trop belle. Je siffle mon jeune mâle, qui revient au galop. Je tends le bras en direction de l’endroit ou les cailles se sont posées, afin d’orienter sa quête. Va-t-il retrouver la piste des oiseaux, qui viennent à peine de poser?
Aslan s’élance aussitôt, et balaie la zone en quelques lacets. Arrivé à la limite du champ, ce dernier ralentit brusquement, avant de prendre une jolie pose d’arrêt, subjugué par l’émanation. Il coule à présent par petite saccades, et je devine à son attitude que les cailles ont entrepris de tracer des lacets parmi les grandes herbes, afin d’égarer leur piste. Je souris en le voyant, nez collé au sol, essayant de démêler l’écheveau. La pose semble peu académique pour un setter anglais, et ferait sans doute frémir plus d’un juge de field trial.
Avec autorité, le chien se dégage et reprend sa quête. Il saute le petit fossé pour entrer dans le champ voisin, un chaume laissé sur pied dans lequel les herbes commencent à pousser.
Je songe un instant à le rappeler : Il se trompe ! Les cailles sont de ce côté ci du fossé, je les ai vues !
Mais Aslan semble sûr de lui. Il parcourt quelques mètres à peine, et se fige à l’arrêt. Cette fois, il les a bloquées. L’arrêt est tendu, et seule la queue semble parcourue d’un léger frémissement.
Je franchis la séparation entre les deux champs, et je m’avance vers le chien. Les diablesses ! Après avoir essayé de semer le chien, elles ont sauté le fossé. Où sont elles ?
La réponse est instantanée: les deux cailles giclent brusquement à deux mètres du chien, et s’envolent à tire daile.
Un jeune couple qui s’apprête probablement à nicher. Je rappelle aussitôt Aslan, parti à leur poursuite. L’exercice a été concluant, mais je ne veux pas déranger davantage les oiseaux.
Je repars en direction de la ferme, profitant des dernières minutes de la ballade, tandis que le chien quête au loin.
C’est à ce moment précis qu’une énorme caille -presque une demi perdrix- part dans mes pieds. Je la poursuis du regard tandis qu’elle s’envole en direction d’un blé vert. Une belle caille adulte, comme les deux autres, peut être déjà en train de pondre. La rencontre de trois oiseaux en quelques minutes, sur une si petite parcelle, me parait de bon augure. Et je songe en m’éloignant que le printemps, cette année, semble décidément plein de promesses.
J’avais été marqué, il y a une quinzaine années, par un ouvrage rédigé par l’historien Robert Delort « Les animaux ont une histoire » (1) . Ce dernier s’était attaché à reconstituer l’histoire de certains animaux: le loup, le chien, le chat, mais aussi le criquet, le rat, l’abeille, l’anophèle (une variété de moustique porteuse du paludisme)… Il montrait ainsi l’influence, parfois majeure, de certains animaux, et leur imbrication dans l’histoire humaine.
J’ai été extrêmement surpris, bien des années plus tard, lorsque j’ai découvert, par hasard, une multitude de textes sur le thème de la caille, un oiseau pourtant bien anecdotique.
Ces derniers, beaucoup plus nombreux que je ne l’avais imaginé, s’étalaient sur de grandes périodes: de l’antiquité jusqu’à nos jours.
Je me suis piqué au jeu, en essayant, très modestement, de les rassembler et de les synthétiser sous forme de thèmes (etymologie, mythologie, symbolique…).
Le résultat est bien sûr loin d’être parfait, et n’a aucune prétention scientifique ou historique. Ces articles montrent simplement que le thème de la caille des blés et de sa chasse est un sujet beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, et qu’un oiseau, aussi modeste soit il, peut avoir sa place dans l’histoire.
(1)« Les animaux ont une histoire », Robert Delort, éditions du seuil, 1984.
Les paléontologues situent l’apparition des oiseaux modernes il y a 56 millions d’années, durant la période de l’éocène. On sait notamment que c’est à ce moment là que sont apparues de multiples espèces comme l’aigle, le pélican, le vautour… et la caille.
Et en ce qui concerne la France ? Les paléontologues disposent d’informations, notamment grâce à des fouilles menées dans les Pyrénées françaises (1). Les restes osseux recueillis dans les différents gisements étudiés ont permis d’identifier 170 espèces d’oiseaux, déjà présents au quaternaire. La présence d’ossements de cailles a été constatée sur quinze des sites étudiés, ce qui semble montrer que l’espèce était déjà bien établie à l’époque dans notre pays. On sait également, grâce à d’autres fouilles, que les hommes préhistoriques n’hésitaient pas à inscrire les cailles à leur menu.
On peut s’interroger sur le biotope originel des cailles à cette époque. Certaines espèces de céréales, comme le blé, n’existaient à l’état sauvage qu’au moyen orient, dans ce que l’on a appelé le croissant fertile. Les céréales ne sont véritablement apparues en Europe qu’à la période du néolithique, il y a tout juste 10000 ans. On peut donc supposer que les cailles vivaient à l’origine dans les prairies naturelles. L’homme a considérablement favorisé par la suite l’essor de l’espèce, en développant massivement la culture du blé en Europe.
(1) Inventaire systématique des oiseaux quaternaire des Pyrénées françaises, André Clot et Cécile Mourer Chauvire, 1986
Le mot caille est un nom féminin formé au 12eme siècle. Il serait dérivé du bas latin médiéval: Quaccola (ou quaquila). Le terme est d’origine onomatopéique: il a été formé d’après la nature du cri de l’oiseau, qu’il est censé reproduire.
Il est intéressant de remarquer que son appellation anglaise (« Quail ») dérive elle même même du vieux français « Quaille ».
Du fait de son aire de répartition étendue, on retrouve la caille (Coturnix Coturnix Coturnix) dans de nombreux pays.
Malgré des noms d’apparence très différentes selon les différents pays et langues, beaucoup sont des onomatopées qui essaient de reproduire le cri de l’oiseau.
Voici quelques uns des différents noms de notre oiseau: Quaglia en Italie, Codorniz en Espagne et au Portugal, Wachtel en allemand, Vaktel en suédois et norvégien, Viiriäinen en Finnois, Перепел (Perepel)en russe, Kornhæna en Islandais, przepiórka en Polonais, ヨアロッパウズラ (yo-roppauzura) en Japonais, Prepeliţă en Roumain, Fürj en Hongrois, Ορτύκι (Ortiki) en Grec moderne…
Un site (the world bird database) s’est fait une spécialité de rassembler les différents noms(et parfois surnoms)des oiseaux selon les pays. On trouve également certaines langues régionales (breton, basque, catalan etc..)
Vous trouverez sur le lien suivant le mot caille traduit en 75 langues: http://avibase.bsc-eoc.org/species.jsp?lang=FR&avibaseid=14A931F1DBCA97FF
La caille joue un rôle important dans la mythologie indienne et est mentionnée à plusieurs reprises dans le Rigveda, le plus ancien texte hindou, composé près de 2000 ans avant notre ère. Le loup dévoreur Vikra (la nuit), absorbe la lumière symbolisée par la caille (Vartikâ). C’est seulement lorsque la caille est libérée par les jumeaux divins (les Açvins) que le jour peut renaître. La libération de la caille symboliserait donc la libération de l’aurore, arrachée de la gueule des ténèbres (1). Le mot védique signifiant caille (Vartikâ) peut être traduit littéralement par « celle qui revient ». C’est une allusion évidente au cycle de migration de la caille (cette dernière part à l’automne pour revenir au printemps, période ou l’allongement des jours marque le retour de la lumière solaire), et expliquerait que cette dernière ait finalement été assimilée à l’aurore.
La caille est également mentionnée dans la célèbre épopée indienne le « Mahâbârata » (rédigée vers le IVeme siècle Av JC) sous une forme étrange: une caille monstrueuse apparaisant aux côtés du soleil. Dotée d’un seul œil, et d’une seule aile, cette dernière cracherait du sang.
La caille est également présente dans la mythologie des phéniciens: Melqart, fils de Baal et d’Astéria (Astarté), était le dieu distributeur de toutes les richesses, et le « patron » de la ville de Tyr.
Le dieu phénicien Melqart
Dieu de l’industrie et de la navigation, son culte fut propagé par les phéniciens dans toutes leurs colonies. Ce dernier présidait au mouvement du soleil et au retour des saisons, et était également le dieu du printemps. Pour cette raison, on lui sacrifiait des cailles, symbole solaire de renouveau (elle représentaient le retour du printemps).
Melqart sera assimilé plus tard à l’Héraclès des Grecs et à l’hercule des Romains, bien que ce dernier soit beaucoup plus ancien.
Une légende rapporte que Melqart (qui deviendra Héraclès chez les grecs) fut tué au cours d’un voyage en Libye par Typhon, et qu’il fut ramené à la vie par Iole (Iolaos) après que ce dernier ait passé une caille sous son nez (Athénée, Banquet des Sophistes, IX, 47)…
La caille est également un oiseau présent dans la mythologie grecque.
Astérie, une des filles du Titan Coéos, se transforma en caille pour échapper aux avances de Zeus, le roi des dieux, qui s’était lancé à sa poursuite sous la forme d’un aigle. Elle finit par se jeter dans la mer pour lui échapper. A l’endroit ou cette dernière était tombée, se forma une île portant son nom: Astérie.
Astérie se transformant en caille afin d’échapper à Zeus (l’aigle)
Par la suite, cette île prendra son nom actuel: Délos. L’histoire ne se termine pas la toutefois…
Zeus parvint à séduire une autre des filles du Titan Coéos et de Phoebé, la belle Léto. Une version affirme que pour parvenir à ses fins, Zeus aurait changé Léto en caille, avant de se transformer lui même en cet oiseau.
Héra, l’épouse jalouse de Zeus, apprenant que les enfants de Léto et de Zeus seraient d’un rang plus important que les siens, décréta que ces derniers ne pourraient pas naître dans un lieu ou le soleil brillait. Elle entreprit également de séquestrer Ilithyie (la déesse des naissances) pour l’empêcher d’accoucher. Héra envoya également le monstrueux serpent Python afin de lui interdire l’accès de toutes les terres.
Afin de protéger Léto, Zeus fut contraint de la transformer en caille. Aussitôt, Héra interdit aux cailles d’atterrir sur terre. Zeus chargea alors Borée (le vent) de transporter Léto jusqu’à Ortygie (Littéralement: « l’île aux cailles », c’est à dire Délos). Délos était alors une île flottante non arrimée, entre la mer et le ciel, et échappait ainsi à l’interdiction d’Héra. Alors que Léto volait désemparée au dessus de la mer, L’île déserte et stérile de Délos prit pitié d’elle, et accepta de la recevoir. En contrepartie l’île fit promettre à Léto que pour échapper à la colère d’Héra, elle serait entièrement consacrée à son futur fils Apollon, et que l’on y bâtirait un temple dédié à ce dernier.
Poséidon, dieu de la mer, envoya alors une vague afin de former une voûte au dessus de l’île, et abriter cette dernière du soleil. Zeus redonna ensuite sa forme humaine à Léto. Cette dernière ne parvenait cependant toujours pas à accoucher, du fait qu’Héra persistait à séquestrer Ilithye, la déesse des naissances. Iris, messagère des dieux, parvint néanmoins à corrompre Ilithye pour que cette dernière délivre Léto, cela à l’insu d’Héra.
Accouchement de Léto
Léto put enfin accoucher d’Artémis au pied d’un palmier. A peine née, Artémis aida sa mère à accoucher de son frère jumeau Apollon. Après la naissance des jumeaux, Poséidon fixera définitivement l’île au fond de la mer au moyen de quatre piliers.
L’atterrissage de Léto, transformée en caille, sur l’île de Délos, ne doit rien au hasard. Délos (surnommée aussi Ortygia, littéralement « l’île aux cailles ») est réputée pour être un lieu de passage de l’espèce à l’époque de la migration. Le fait que Léto ait été transportée par Borée (le vent) fait aussi clairement référence à la façon de migrer des cailles. Les cailles ne sont pas de très bons voiliers et utilisent les courants aériens, qui leur permettent de franchir la méditerranée. Malgré cela, les oiseaux, épuisés par ces vols, sont obligés de faire étape. Cela explique que fréquemment, des vols entier de cailles s’abattent sur les différents îlots méditerranéens. Cette migration jouait un rôle économique important pour les populations locales qui capturaient en grand nombre les oiseaux épuisés par leur traversée de la méditerranée (pratique qui se poursuivra jusqu’au 19eme siècle).
Suite à cette légende, Léto restera étroitement associée à l’oiseau, comme l’atteste cette citation d’Aristophane (« Les oiseaux », paragraphe 851-902):« Salut encore (…) à Léto, mère des cailles ».
En échange de l’aide accordée lors de l’accouchement de Léto, Artémis obtint de son père Zeus de pouvoir aider les femmes à accoucher. Choquée par cette expérience, elle obtint également de rester vierge.
statue d’Artemis
Artémis vit à l’écart des mortels, éternellement jeune et vierge, en compagnie des Oréades (Nymphes de Montagnes). Elle est la déesse de la chasse, maîtresse des animaux et de la Lune. Munie de son arc, cette dernière chasse les animaux sauvages. En raison de son lieu de naissance (l’île aux cailles), Artémis est associée à cet oiseau.
On retrouve également la caille dans la mythologie Romaine.
La caille, selon le dictionnaire des antiquités grecques et romaines fait partie des oiseaux aux mœurs lascives (tout comme la perdrix), et est consacrée à Vénus, la déesse de l’amour.
La légende raconte que la déesse proposa même un jour aux cailles l’honneur de tirer son char. Mais les cailles, en raison de leur grande paresse, déclinèrent finalement cet honneur…
Ces oiseaux figurent sur certaines des représentions de la déesse. Les cailles étaient offertes en présent par les amants et avaient une signification amoureuse.
« Le chien d’arrêt est sans contredit la plus magnifique de toutes les créations de l’esprit humain; c’est ici que l’homme à vraiment crée après dieu. » A. Toussenel
Pour définir le chien d’arrêt, on peut reprendre cette citation de Paul Megnin : « Le chien d’arrêt est le chien de chasse qui quête en silence en aspirant l’air, tête levée, les émanations du gibier, et qui, lorsqu’il rencontre, s’arrête immobile, dans une position et avec des frémissements de queue particuliers qui sont un vrai langage pour le chasseur, à qui ils indiquent, non seulement l’endroit ou le gibier est blotti, mais même l’espèce à laquelle il appartient. »
La période antique
Il semble que les chiens d’arrêts n’existaient pas dans l’antiquité. On prenait en effet à cette époque les oiseaux au moyen de filets, de lacets et de glu. Malgré les affirmations de certains auteurs, qui s’appuient le plus souvent sur des textes mal traduits, aucun texte antique n’y fait référence. On a cru, plus tard, voir mention de chien d’oysel dans le capitulaire de Dagobert (VIIeme siècle) dans la phrase « que celui qui à tué un chien de chasse dit hapichunt compose avec trois sous plus son semblable ». Le mot hapichunt à été parfois traduit improprement comme signifiant chien d’arrêt, alors que le mot « hapich » signifie en réalité faucon. Il s’agit donc du chien des fauconniers, et non pas d’un chien couchant.
L’homme a probablement remarqué les aptitudes embryonnaires à l’arrêt qui existaient naturellement chez certains chiens. Il les à progressivement développées, puis fixées grâce au dressage, et à une sélection et une utilisation constante. Certains textes antiques vont dans ce sens, et font référence, non pas à des chiens d’arrêts en tant que tels, mais à des limiers semblant posséder ces aptitudes embryonnaires -cf. Gratius Faliscus (1); et Pline l’Ancien (2)-.
Une apparition tardive de la fin du moyen âge?
Selon Arkwright, le chien d’arrêt est une création du moyen âge. Ce dernier fixe son apparition vers le 12eme siècle. Il se base pour cela sur les premiers documents mentionnant l’utilisation de chiens spécifiques pour la chasse des oiseaux. Pour Jean Castaing (3) en revanche, les premiers véritables chiens d’arrêt, au sens ou nous l’entendons aujourd’hui, n’ont véritablement commencés à être fixés que trois à quatre siècles plus tard (15eme et 16eme siècle), c’est à dire au début de l’époque moderne.
Certains textes semblent en effet aller dans le sens d’une apparition relativement tardive du chien d’arrêt. Dans cet extrait du « Ménagier de Paris » (publié en 1393), il est écrit: « Premièrement, qui veult avoir bon déduit de l’esprevier, il est nécessité que assez tost après Pasques l’espreveteur se garnisse d’espaignols et qu’il les maine souvent aux champs quérir les cailles et les perdris… Et est assavoir que tous espaignols qui sont bons pour la chace du lièvre ne sont pas bons pour le déduit de l’esprevier, car ceux qui sont bons pour le lièvre queurent après et le chassent, et quand ils l’atteignent, le mordent, arrestent et tuent, se à ce sont duîs; et autel pourraient-ils faire à l’esprevier. Et pour ce, ceux qui savent bien trouver les perdris et la caille ne queurent point après l’esprevier, ou s’ils y vont, si sont-ils si duis que tantost qu’ils voient que l’esprevier a liée et abattue la perdris ou autre oisel et la tient sous lui, s’arrestent et ne s’approchent, iceulx espaignols sont bons, et les autres non. » L’auteur fait allusion dans ce texte à des chiens « espaignols » servant encore de chien courant pour la chasse du lièvre vers la fin du 14eme siècle. Cela montre que, même à cette époque relativement tardive, tous les épagneuls n’étaient encore totalement spécialisés sur la chasse des oiseaux. Même ceux qui semblent destinés à la recherche des cailles et des perdrix ne sont pas des chiens d’arrêt: ils ont encore pour mission essentielle de mettre à l’essor les oiseaux, et de ne pas se jeter sur le faucon, une fois que ce dernier se trouve au sol avec sa proie. Ce dernier point introduit une idée particulièrement importante: il permet de déduire les critères de sélection sur lesquels les intendants des seigneurs de la fin du moyen âge ont sélectionné, consciemment ou inconsciemment, leurs chiens: un caractère moins agressif et impulsif que celui des chiens courants, et une meilleure dressabilité. le chien ne doit pas s’approcher du faucon qui maintient la caille ou la perdrix au sol, ce qui suppose un dressage. Cette capacité au dressage suppose elle même des chiens plus proches de leur maître, et donc plus affectueux.
Détail fresque Italienne, vers 1400 , château Buonconsiglio, Trente, Italie
La fresque italienne ci-dessus semble confirmer que la frontière entre les chiens courants et les chiens d’arrêt n’était pas aussi nette qu’aujourd’hui, même au début du 15eme siècle. On peut y voir deux chiens, au pelage brun pour l’un, et blanc pour le second, pister le nez sur le sol, à la façon de deux limiers, des perdrix qui semblent fuir devant eux. Une attitude qui se situe bien loin de celle de nos chiens d’arrêts actuels…
Une création du sud de l’Europe
Pour Jean Castaing, le chien d’arrêt serait une invention du sud de l’Europe. Les seuls textes concernant ce type de chiens se trouvent en effet dans des ouvrages Italiens, Français, et Espagnols. Il s’appuie notamment sur les écrits de plusieurs auteurs : Brunetto Latini, dès 1260, parle de chiens destinés à chasser les oiseaux, Albert Le Grand (13eme siècle) décrit dans « De animalibus » comment on apprenait en Italie aux chiens couchants à tourner autour des perdrix. Gaston Phoebus les décrit également au 14eme siècle.
Enluminure représentant un groupe de chiens d’oysel, extraite du « Livre de chasse » de Gaston Phoebus, rédigé vers 1389
Le naturaliste Suisse Gesner parle en 1551 de chiens de cailles utilisés en France. On peut citer également le naturaliste Français Pierre Belon. Ce dernier décrit dans son livre « Histoire de la nature des oyseaux « , publié en 1555 des chiens d’arrêt utilisés sur cailles (4).
Magnifique gravure en couleur représentant le fameux chien Espagnol (canis hispanicus), ancêtre de tous les épagneuls actuels, par Ulisse Aldrovandi (vers 1550). Certains auteurs envisagent la possibilité qu’il ne s’agirait pas de chiens en provenance d’Espagne (comme semble le suggérer Gaston phoebus), mais plutôt d’une déformation des termes « s’espanir « ou « s’espaignir » (se coucher), qui aurait fini par donner au final le mot actuel « Épagneul ».
Ces ouvrages permettent de cartographier la zone d’apparition du chien d’arrêt, qui comprend le sud-ouest de la France, L’Italie et l ‘Espagne. En se basant sur le gibier naturellement présent sur ces zones, ont peut essayer de déduire sur quels type de gibier les premiers chiens d’arrêt ont été utilisés: perdrix rouges et cailles des blés majoritairement, et dans une bien moindre proportion la perdrix grise, présente uniquement sur les zones montagneuses d’Italie d’Espagne ou de France (Pyrénées). Les « chiens d’oysel » étaient dressés de façon à se coucher en présence des cailles ou des perdrix (le terme « chien couchant » est également employé pour les désigner). On lançait ensuite un grand filet, qui recouvrait le chien et les oiseaux se trouvant devant lui. Il ne restait plus alors qu’à les capturer à la main, ces derniers étant empêtrés dans les mailles du filet.
Magnifique gravure attribuée à Joseph Stradanus (Bruges, 1523 – Florence, 1605) et extraite de l’ouvrage ‘Venationes ferarum, auium, piscium. Pugnae bestiariorum: et mutuae bestiarum », publié en 1578. Elle représente une scène de chasse à la caille au moyen de filets et chiens d’arrêt.
Gravure du 19ème siècle représentant une scène de chasse au chien d’arrêt, au moyen de filets. Si l’on compare les deux gravures ci-dessus on constate que ce mode de chasse n’a que peu ou pas évolué entre le début du 16ème siècle, et la fin du 19ème siècle, ou il était toujours usité.
Dans certains pays, cette pratique continue encore d’être utilisée comme le montrent les deux vidéo ci-dessous :
Ces dernières ont été tournées vers 2011 au Pakistan, pays ou la caille des blés est également présente. Il n’y a probablement pas de grandes différences entre la façon dont les hommes opèrent sur la vidéo, et celle des chasseurs au filet du moyen âge.
Étymologie
L’appellation « chien d’oysel », n’est pas sans poser de problèmes. En effet, ce terme englobe indifféremment dans les textes médiévaux l’ensemble des chiens utilisés pour la chasse des oiseaux. Or, les chiens utilisés pour la fauconnerie (qui sont également dénommés chiens d’oysel) n’avaient pas nécessairement l’instinct de l’arrêt. Ces derniers se contentaient de poursuivre le gibier pour le faire lever, afin qu’il soit capturé par les faucons (un peu à la façon des Springers actuels). Gaston Phoebus dans son livre de la chasse, prend d’ailleurs soin de distinguer les chiens d’oysel, servant à lever le gibier devant les oiseaux de proie, de ceux auxquels on « apprend à être couchant. ». Le fait de se coucher en présence du gibier est donc bien le résultat d’un dressage, qui a probablement fini par devenir atavique au fil des siècles.
L’étymologie du mot chien d’arrêt semble elle-même venir directement de ce mode de chasse au moyen de filets. Le terme chien d’oiseau utilisé pour la chasse au filet se traduit en effet en Italien par « Cane de rete », et « chien de retz » en français. Le terme actuel de chien d’arrêt n’a été utilisé qu’à partir du 18eme siècle pour désigner des braques ou des épagneuls. Il ne serait donc qu’une déformation phonétique des ces expressions, et ne viendrait pas de la fonction (arrêter le gibier) comme on aurait pu le croire.
Le développement et le perfectionnement du chien d’arrêt (16e siècle à nos jours)
Les chiens d’arrêt semblent s’être largement répandus en France dès le 16eme siècle. Plusieurs ordonnances royales (La première fut rédigée en 1578, rapidement suivie de plusieurs autres publiées successivement en 1600,1601,1607 et 1669) émanant de Henri III, Henri IV , Louis XIII, et Louis XIV en réglementent sévèrement l’utilisation, ces derniers étant jugés trop meurtriers. Les chiens d’arrêts demeureront l’apanage exclusif des rois (5) , des princes, et de quelques privilégiés, jusqu’à la révolution française, moment à partir duquel leur usage sera toléré. Les progrès du chien d’arrêt semblent être allés de pair, au cours des siècles suivants, avec ceux de l’armement. L’arquebuse (l’ancêtre de nos fusils actuels) fut crée vers le début du 16eme siècle. A ses débuts, elle ne permettait de tirer les oiseaux que posés. Il fallut attendre d’une part son allègement (fin 16ème siècle), mais aussi l’invention du fusil à silex, et surtout de la grenaille (1630) pour pouvoir tirer les premiers oiseaux au vol. Rappelons qu’avant cette époque on ne tirait qu’à balle. Jean Castaing estime que c’est vers cette période que l’on à commencé à « retenir », par le biais du dressage, les chiens au moment de l’essor du gibier. La poursuite du gibier était en effet devenue nuisible au tir (gêne pour le chasseur, ou risque de blessure du chien).
Le coût de ces armes est tel qu’elles resteront longtemps l’apanage de la noblesse et de la bourgeoisie. La tradition de la chasse aux filets et l’utilisation de chiens « couchants » s’est maintenue dans les milieux populaires plusieurs siècles durant. L’interdiction de la chasse au filet, à partir de 1842, et la démocratisation progressive du fusil au cours du 19eme siècle conduiront à sa disparition progressive. Elle s’est en réalité poursuivie sous forme de braconnage jusque vers la fin du 19eme siècle, voire jusqu’à la première moitié du 20eme siècle comme semblent le suggérer plusieurs auteurs cynégétiques .
L’expansion de la chasse à tir vers la fin du 19eme siècle, coïncide également avec la fixation de la plupart des races actuelles de chien d’arrêt. Ces dernières ne sont pas, dans la plupart des cas, des créations pures. Les éleveurs ont souvent repris, en les améliorant, de vieilles souches régionales qui existaient déjà, et fixé un standard officiel. C’est vers cette même époque que seront implantés en France les premiers Field trial (- le premier a eu lieu a Esclimont en 1888), destinés à sélectionner les meilleurs reproducteurs sur la base de leurs aptitudes au travail (ces derniers avaient été crées en Angleterre quelques décennies plus tôt).
(1) Gratius Faliscus, « Cynégétiques », « (De même était le chien métagon) »qui tombe sur sa proie en silence, évente un animal sauvage au gîte et décèle sa présence cachée par son attitude, il manifestera sa joie en remuant doucement sa queue, ou, grattant la terre avec ses pattes. »
(2) Pline l’ancien, « Zoologie », Livre VIII, LXI 40, « S’ils voient le gibier, quel silence, et quelle circonspection, en même temps quelle expression dans le mouvement de leur queue et de leur museau! Vieux, aveugles, perclus, ils rendent encore des services, on les porte dans les bras, ils éventent le gibier et indiquent sa retraite »
(3)Jean Castaing, « Les chiens d’arrêt », Éditions du Message Berne, 1960
(4) Pierre Belon « Histoire de la nature des oyseaux « , publié en 1555: « C’est ce que l’on a aprin à un chien de les sçavoir cognoistre et soudain qu’il a senty la caille, il s’arreste tout court. Les chasseurs ont un rets large nommé une tirasse, laquelle ils desployent, et vont l’un deça et l’autre dela: dont ils couvrent le chien et la caille, et par ce moyen demeure prinse ».
(5)Louis XIV était lui même un grand amateur de chiens d’arrêt et affectionnait tout particulièrement les épagneuls. Ce dernier à d’ailleurs fait représenter les portraits de plusieurs de ses chiens par le peintre A.Desportes
Aucun ouvrage n’a jamais été écrit, à ma connaissance, sur le seul thème de la caille des blés ou de sa chasse (si l’on excepte, bien entendu, les manuels dédiés à l’élevage de la sous espèce Japonaise, ou les thèses scientifiques, souvent ciblées sur un aspect particulier de l’oiseau). Les textes eux même sont rares et éparpillés: quelques pages, un article, un chapitre, placés au milieu d’un ouvrage cynégétique, souvent ancien…
J’ai donc pensé que pour plus de facilité, il pouvait s’avérer utile de les rassembler au sein d’une même rubrique.
Ces textes s’étalent sur une période allant de l’antiquité jusqu’à nos jours. Beaucoup de ces écrivains, chasseurs, naturalistes d’un autre temps, nous livrent leurs anecdotes, conseils, observations, qui restent assez souvent d’actualité. Tout cela sent le vécu, et l’on comprend en les lisant qu’ils ont beaucoup observé, et parfois même chassé ce gibier, encore abondant à cette époque en France et en Europe.
J’ai essayé, lorsque cela était possible, de joindre l’intégralité du texte, ou du chapitre, et de le rendre disponible en téléchargement, de façon à créer une mini bibliothèque en ligne. Certains de ses ouvrages sont en effet coûteux, ou difficiles à trouver. J’espère que vous aurez du plaisir à les lire, ou à les relire avec moi…
Un des plus anciens témoignages écrit concernant la caille des blés, si ce n’est le plus ancien, est incontestablement la bible elle même (on estime que les passages les plus anciens ont été rédigés vers le 8ème siècle avant JC).
Les cailles sont évoquées à deux reprises dans un épisode de l’ancien testament.
Dans ce célèbre passage extrait de l’exode (16-13), le peuple juif effectue la traversée du désert, qui dure près de 40 ans, guidé par Moïse. Six semaines après son départ, le peuple est affamé et commence à murmurer contre Moïse et Dieu en raison du manque d’approvisionnement. « L’Éternel, s’adressant à Moïse, dit : J’ai entendu les murmures des enfants d’Israël. Dis-leur: Entre les deux soirs vous mangerez de la viande, et au matin vous vous rassasierez de pain; et vous saurez que je suis l’Éternel, votre Dieu. Le soir, il survint des cailles qui couvrirent le camp; et, au matin, il y eut une couche de rosée autour du camp. Quand cette rosée fut dissipée, il y avait à la surface du désert quelque chose de menu comme des grains, quelque chose de menu comme la gelée blanche sur la terre. »
Arrivée des cailles et de la manne sur le camp des juifs. Gravure sur bois extraite de l’édition originale de la bible de Luther (1534)
La zone ou le peuple hébreu se trouvait correspond effectivement à l’un des grands axe de migration de l’espèce qui la traverse deux fois par an.
Il faut cependant bien distinguer la manne céleste (le pain), envoyée sous forme de rosée (elle est décrite dans la bible comme ressemblant à de la graine de coriandre, et s’adaptant au goût de chacun), de l’envoi du vol de caille (la viande) sur le peuple hébreu. C’est la manne céleste, conservée dans des jarres, qui servira de nourriture aux hébreux durant les 40 ans de la traversée du désert.
Les cailles sont de nouveau évoquées dans un autre des livres de l’ancien testament racontant la traversée du désert du peuple juif, le livre des Nombres 11, 31.
Un an après le peuple Hébreu se trouve dans les environs de Qivroth-Taawa, dans le désert du Sinaï (sensiblement la même zone que lors du premier épisode). De nouveau le peuple se plaint et réclame de la viande à Moïse. Dieu fait alors pleuvoir une nouvelle fois des cailles sur le camp des juifs. Ces derniers se jettent sur les oiseaux et se livrent à des excès de nourriture. Mis en colère par ce spectacle, Dieu fait mourir en grand nombre les juifs qui se sont livrés à ces excès : « L’Éternel fit souffler de la mer un vent, qui amena des cailles, et les répandit sur le camp, environ une journée de chemin d’un côté et environ une journée de chemin de l’autre côté, autour du camp. Il y en avait près de deux coudées au-dessus de la surface de la terre.
Pendant tout ce jour et toute la nuit, et pendant toute la journée du lendemain, le peuple se leva et ramassa les cailles ; celui qui en avait ramassé le moins en avait dix homers. Ils les étendirent pour eux autour du camp. Comme la chair était encore entre leurs dents sans être mâchée, la colère de l’éternel s’enflamma contre le peuple, et l’éternel frappa le peuple d’une très grande plaie. On donna à ce lieu le nom de Kibroth Hattaava, parce qu’on y enterra le peuple que la convoitise avait saisi. »
Planche couleur extraite du chapitre 11 du livre des nombres, bible mortier (1700)
Ces deux épisodes auraient eu lieu à un an d’intervalle, vers la mi avril, au moment ou les cailles migrent vers le nord.
Beaucoup d’auteurs ont traduit et interprété le texte ci dessus, en prenant pour hypothèse qu’il décrivait les quantités de cailles tombées sur le sol.
Guebwiller, auteur de « la bible déchiffrée », à estimé que les quantités de cailles prélevées par famille (10 homers) supposeraient que 9 millions d’oiseaux aient été abattus.
Robert Flament-Hennebique, dans « le Poil de la bête » s’est également livré à cet amusant calcul. Sachant qu’un homer à une contenance de 363 litres et que la population totale des juifs lors de l’exode correspond à deux millions de personnes environ, si l’on suit la bible à la lettre, il parvient à un total de 7 milliards de litres de cailles. Il conclut avec humour qu’à raison de 7 ou 8 cailles au litre, cela correspond à l’ensemble des cailles de la planète.
Les deux estimations sont évidemment totalement invraisemblable. Même s’il y a très probablement quelques éléments de vérité dans le récit biblique, ses auteurs avaient sans doute plus à coeur de frapper l’imaginaire des lecteurs que de livrer un récit historique exact.
Peut-être faut-il entendre, comme Guebwiller le suggère, que la hauteur de deux coudées n’indique pas les cailles tombées sur le sol, mais plutôt la hauteur à laquelle ces dernières survolaient le camp.
Plusieurs autres points du texte semblent en revanche tout à fait plausibles. Le fait que le vent se soit levé au moment de l’arrivée des cailles correspond tout à fait à leur façon naturelle de se déplacer. Les courants aériens aident considérablement les cailles à parcourir de grandes distances pendant leur migration: Le fait de planer à pour effet de réduire considérablement les efforts fournis par les oiseaux pour se maintenir en vol. Il est également fréquent que surprises par un vent contraire, ces dernières s’abattent en masse. Les oiseaux épuisés, et incapable de reprendre leur envol, peuvent alors être facilement capturés à la main. Les vols sont souvent espacés de deux jours, temps de repos nécessaire aux cailles avant de repartir. Ce dernier point recoupe tout à fait le récit biblique qui mentionne la capture de cailles pendant deux journées.
Le fait que les hébreux disposent les oiseaux tout autour du camp correspond à la façon égyptienne de préparer les oiseaux. Après avoir vidés et nettoyés ces derniers, ils sont mis à sécher au soleil. Cette coutume égyptienne est rapportée par l’historien grec Hérodote (484-425 avant JC) deux siècles après le récit biblique.
On peut s’interroger sur le fléau qui frappe le peuple Hébreu juste après l’ingestion des cailles. http://www.cailledesbles.fr/pline_l_ancien_l_histoire_naturelle2735612/
L’historien Flavius Josephe (37-100 après JC) résume l’ancien testament dans l’un de ses ouvrages « Les antiquités judaïques » (achevé en 94 après JC).
Flavius Josephe narre à sa façon les deux épisodes de la bible. Revenant sur le premier envoi de cailles, il précise qu’il s’agit d’une espèce très abondante dans le golfe arabique, et que des vols de cailles épuisées s’abattent fréquemment. Cela est dû notamment au fait que ces dernières volent à basse altitude, ce qui est beaucoup plus fatiguant. (Antiquités judaïques, livre 3, chapitre 1 ; paragraphe 5)
« Dieu promet de prendre soin d’eux et de leur fournir ces ressources tant souhaitées. Moïse, ayant entendu cette réponse de Dieu, retourne auprès du peuple. Ceux-ci, en le voyant tout réjoui des promesses divines, passent de l’abattement à une humeur plus gaie, et lui, debout au milieu d’eux, dit qu’il vient leur apporter de la part de Dieu un secours contre les embarras présents. Et, peu après, une quantité de cailles (cette espèce d’oiseaux abonde, plus que toute autre, dans le golfe Arabique) traverse ce bras de mer et vient voler au-dessus d’eux ; et, fatiguées de voler, habituées, d’ailleurs, plus que les autres oiseaux à raser la terre, elles viennent s’abattre sur les Hébreux. Ceux-ci, les recueillant comme une nourriture préparée par Dieu, soulagent leur faim. Et Moïse adresse des actions de grâce à Dieu pour les avoir secourus si vite et comme il l’avait promis. »
Flavius Josephe évoque également le deuxième envoi d’un vol de cailles sur les juifs, et la punition divine infligée au peuple hébreu pour ses excès de nourriture: (Livre 1, chapitre 13, 302)
« En même temps qu’il parlait, le camp tout entier se remplit de cailles; on les entoure et on les ramasse. Cependant Dieu, peu après, châtie les Hébreux de l’arrogance injurieuse qu’ils lui avaient témoignée : il en périt, en effet, en assez bon nombre. Et, encore aujourd’hui, cette localité porte le surnom de Kabrôthaba, c’est-à-dire Tombeaux de la concupiscence. »
On peut voir ci dessous un tableau qui illustre la punition du peuple hébreu (les assiettes sont encore pleine de la viande des cailles autour des juifs frappés par la colère de dieu)
Commentaires récents