Premières arrivées
L’air s’est radouci depuis quelques jours et semble annoncer le printemps. J’ai deviné leur présence. Elles sont sûrement la, quelque part, invisibles, dans les blés encore verts. Enfin de retour de leur long périple africain.
Ce n’est que quelques jours plus tard, vers le soir, alors que me promenais dans le fond du jardin, que j’ai enfin eu confirmation de mes soupçons. J’ai entendu une caille chanter timidement. Au fil des minutes, l’oiseau s’est enhardi. Guidé par son chant, j’ai marché vers la friche voisine. Je me suis approché, tout doucement, presque sur la pointe des pieds, avec le secret espoir d’apercevoir le mâle debout parmi les herbes, en train de pousser son cri d’amour. Mais l’oiseau s’est brusquement tu. Un peu à regrets, je me suis alors éloigné.
Lors du dîner sur la terrasse, j’aurais beau essayer par moments de tendre l’oreille: ce soir la, je n’entendrais pas la caille chanter de nouveau.
Les jours ont passé. Je profite d’une belle après midi ensoleillée, en ce début de mois de mai, pour faire une ballade avec un de mes setters. Après avoir fait un rapide crochet dans le pré voisin, je traverse la route pour entrer dans une ancienne friche, littéralement envahie de trèfles en fleurs. L’air est doux. Je surveille du coin de l’oeil Aslan mon jeune mâle qui entreprend de déployer sa quête, sans doute à la recherche d’un couple de perdreaux.
Tout à mes pensées, je sursaute brusquement en entendant un bruissement d’ailes. Deux magnifiques cailles viennent de se lever simultanément, presque sous mes pieds. A peine dérangées, ces dernières volent sur une cinquantaine de mètres, en décrivant un léger arc de cercle, et se reposent à la limite d’un fossé.
L’occasion est trop belle. Je siffle mon jeune mâle, qui revient au galop. Je tends le bras en direction de l’endroit ou les cailles se sont posées, afin d’orienter sa quête. Va-t-il retrouver la piste des oiseaux, qui viennent à peine de poser?
Aslan s’élance aussitôt, et balaie la zone en quelques lacets. Arrivé à la limite du champ, ce dernier ralentit brusquement, avant de prendre une jolie pose d’arrêt, subjugué par l’émanation. Il coule à présent par petite saccades, et je devine à son attitude que les cailles ont entrepris de tracer des lacets parmi les grandes herbes, afin d’égarer leur piste. Je souris en le voyant, nez collé au sol, essayant de démêler l’écheveau. La pose semble peu académique pour un setter anglais, et ferait sans doute frémir plus d’un juge de field trial.
Avec autorité, le chien se dégage et reprend sa quête. Il saute le petit fossé pour entrer dans le champ voisin, un chaume laissé sur pied dans lequel les herbes commencent à pousser.
Je songe un instant à le rappeler : Il se trompe ! Les cailles sont de ce côté ci du fossé, je les ai vues !
Mais Aslan semble sûr de lui. Il parcourt quelques mètres à peine, et se fige à l’arrêt. Cette fois, il les a bloquées. L’arrêt est tendu, et seule la queue semble parcourue d’un léger frémissement.
Je franchis la séparation entre les deux champs, et je m’avance vers le chien. Les diablesses ! Après avoir essayé de semer le chien, elles ont sauté le fossé. Où sont elles ?
La réponse est instantanée: les deux cailles giclent brusquement à deux mètres du chien, et s’envolent à tire daile.
Un jeune couple qui s’apprête probablement à nicher. Je rappelle aussitôt Aslan, parti à leur poursuite. L’exercice a été concluant, mais je ne veux pas déranger davantage les oiseaux.
Je repars en direction de la ferme, profitant des dernières minutes de la ballade, tandis que le chien quête au loin.
C’est à ce moment précis qu’une énorme caille -presque une demi perdrix- part dans mes pieds. Je la poursuis du regard tandis qu’elle s’envole en direction d’un blé vert. Une belle caille adulte, comme les deux autres, peut être déjà en train de pondre. La rencontre de trois oiseaux en quelques minutes, sur une si petite parcelle, me parait de bon augure. Et je songe en m’éloignant que le printemps, cette année, semble décidément plein de promesses.
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