Un peu d’histoire…

14 mars 2007 at 12 h 00 min

J’avais été marqué, il y a une quinzaine années, par un ouvrage rédigé par l’historien Robert Delort « Les animaux ont une histoire » (1) . Ce dernier s’était attaché à reconstituer l’histoire de certains animaux: le loup, le chien, le chat, mais aussi le criquet, le rat, l’abeille, l’anophèle (une variété de moustique porteuse du paludisme)… Il montrait ainsi l’influence, parfois majeure, de certains animaux, et leur imbrication dans l’histoire humaine.

J’ai été extrêmement surpris, bien des années plus tard, lorsque j’ai découvert, par hasard, une multitude de textes sur le thème de la caille, un oiseau pourtant bien anecdotique.
Ces derniers, beaucoup plus nombreux que je ne l’avais imaginé, s’étalaient sur de grandes périodes: de l’antiquité jusqu’à nos jours.
Je me suis piqué au jeu, en essayant, très modestement, de les rassembler et de les synthétiser sous forme de thèmes (etymologie, mythologie, symbolique…).
Le résultat est bien sûr loin d’être parfait, et n’a aucune prétention scientifique ou historique. Ces articles montrent simplement que le thème de la caille des blés et de sa chasse est un sujet beaucoup plus complexe qu’il n’y parait, et qu’un oiseau, aussi modeste soit il, peut avoir sa place dans l’histoire.

(1)« Les animaux ont une histoire », Robert Delort, éditions du seuil, 1984.

Mythologie

14 mars 2007 at 11 h 25 min

La caille joue un rôle important dans la mythologie indienne et est mentionnée à plusieurs reprises dans le Rigveda, le plus ancien texte hindou, composé près de 2000 ans avant notre ère. Le loup dévoreur Vikra (la nuit), absorbe la lumière symbolisée par la caille (Vartikâ). C’est seulement lorsque la caille est libérée par les jumeaux divins (les Açvins) que le jour peut renaître. La libération de la caille symboliserait donc la libération de l’aurore, arrachée de la gueule des ténèbres (1). Le mot védique signifiant caille (Vartikâ) peut être traduit littéralement par « celle qui revient ». C’est une allusion évidente au cycle de migration de la caille (cette dernière part à l’automne pour revenir au printemps, période ou l’allongement des jours marque le retour de la lumière solaire), et expliquerait que cette dernière ait finalement été assimilée à l’aurore.
La caille est également mentionnée dans la célèbre épopée indienne le « Mahâbârata » (rédigée vers le IVeme siècle Av JC) sous une forme étrange: une caille monstrueuse apparaisant aux côtés du soleil. Dotée d’un seul œil, et d’une seule aile, cette dernière cracherait du sang.

La caille est également présente dans la mythologie des phéniciens: Melqart, fils de Baal et d’Astéria (Astarté), était le dieu distributeur de toutes les richesses, et le « patron » de la ville de Tyr.

stèle représentant le dieu Melqart

Le dieu phénicien Melqart

Dieu de l’industrie et de la navigation, son culte fut propagé par les phéniciens dans toutes leurs colonies. Ce dernier présidait au mouvement du soleil et au retour des saisons, et était également le dieu du printemps. Pour cette raison, on lui sacrifiait des cailles, symbole solaire de renouveau (elle représentaient le retour du printemps).
Melqart sera assimilé plus tard à l’Héraclès des Grecs et à l’hercule des Romains, bien que ce dernier soit beaucoup plus ancien.
Une légende rapporte que Melqart (qui deviendra Héraclès chez les grecs) fut tué au cours d’un voyage en Libye par Typhon, et qu’il fut ramené à la vie par Iole (Iolaos) après que ce dernier ait passé une caille sous son nez (Athénée, Banquet des Sophistes, IX, 47)…

La caille est également un oiseau présent dans la mythologie grecque.
Astérie, une des filles du Titan Coéos, se transforma en caille pour échapper aux avances de Zeus, le roi des dieux, qui s’était lancé à sa poursuite sous la forme d’un aigle. Elle finit par se jeter dans la mer pour lui échapper. A l’endroit ou cette dernière était tombée, se forma une île portant son nom: Astérie.

Jupiter change Asterie en caille

Astérie se transformant en caille afin d’échapper à Zeus (l’aigle)

Par la suite, cette île prendra son nom actuel: Délos. L’histoire ne se termine pas la toutefois…
Zeus parvint à séduire une autre des filles du Titan Coéos et de Phoebé, la belle Léto. Une version affirme que pour parvenir à ses fins, Zeus aurait changé Léto en caille, avant de se transformer lui même en cet oiseau.
Héra, l’épouse jalouse de Zeus, apprenant que les enfants de Léto et de Zeus seraient d’un rang plus important que les siens, décréta que ces derniers ne pourraient pas naître dans un lieu ou le soleil brillait. Elle entreprit également de séquestrer Ilithyie (la déesse des naissances) pour l’empêcher d’accoucher. Héra envoya également le monstrueux serpent Python afin de lui interdire l’accès de toutes les terres.
Afin de protéger Léto, Zeus fut contraint de la transformer en caille. Aussitôt, Héra interdit aux cailles d’atterrir sur terre. Zeus chargea alors Borée (le vent) de transporter Léto jusqu’à Ortygie (Littéralement: « l’île aux cailles », c’est à dire Délos). Délos était alors une île flottante non arrimée, entre la mer et le ciel, et échappait ainsi à l’interdiction d’Héra. Alors que Léto volait désemparée au dessus de la mer, L’île déserte et stérile de Délos prit pitié d’elle, et accepta de la recevoir. En contrepartie l’île fit promettre à Léto que pour échapper à la colère d’Héra, elle serait entièrement consacrée à son futur fils Apollon, et que l’on y bâtirait un temple dédié à ce dernier.
Poséidon, dieu de la mer, envoya alors une vague afin de former une voûte au dessus de l’île, et abriter cette dernière du soleil. Zeus redonna ensuite sa forme humaine à Léto. Cette dernière ne parvenait cependant toujours pas à accoucher, du fait qu’Héra persistait à séquestrer Ilithye, la déesse des naissances. Iris, messagère des dieux, parvint néanmoins à corrompre Ilithye pour que cette dernière délivre Léto, cela à l’insu d’Héra.

Leto donnant naissance à Appollon et Artemis

Accouchement de Léto

Léto put enfin accoucher d’Artémis au pied d’un palmier. A peine née, Artémis aida sa mère à accoucher de son frère jumeau Apollon. Après la naissance des jumeaux, Poséidon fixera définitivement l’île au fond de la mer au moyen de quatre piliers.
L’atterrissage de Léto, transformée en caille, sur l’île de Délos, ne doit rien au hasard. Délos (surnommée aussi Ortygia, littéralement « l’île aux cailles ») est réputée pour être un lieu de passage de l’espèce à l’époque de la migration. Le fait que Léto ait été transportée par Borée (le vent) fait aussi clairement référence à la façon de migrer des cailles. Les cailles ne sont pas de très bons voiliers et utilisent les courants aériens, qui leur permettent de franchir la méditerranée. Malgré cela, les oiseaux, épuisés par ces vols, sont obligés de faire étape. Cela explique que fréquemment, des vols entier de cailles s’abattent sur les différents îlots méditerranéens. Cette migration jouait un rôle économique important pour les populations locales qui capturaient en grand nombre les oiseaux épuisés par leur traversée de la méditerranée (pratique qui se poursuivra jusqu’au 19eme siècle).
Suite à cette légende, Léto restera étroitement associée à l’oiseau, comme l’atteste cette citation d’Aristophane (« Les oiseaux », paragraphe 851-902):« Salut encore (…) à Léto, mère des cailles ».

En échange de l’aide accordée lors de l’accouchement de Léto, Artémis obtint de son père Zeus de pouvoir aider les femmes à accoucher. Choquée par cette expérience, elle obtint également de rester vierge.

artemis

statue d’Artemis

Artémis vit à l’écart des mortels, éternellement jeune et vierge, en compagnie des Oréades (Nymphes de Montagnes). Elle est la déesse de la chasse, maîtresse des animaux et de la Lune. Munie de son arc, cette dernière chasse les animaux sauvages. En raison de son lieu de naissance (l’île aux cailles), Artémis est associée à cet oiseau.

On retrouve également la caille dans la mythologie Romaine.
La caille, selon le dictionnaire des antiquités grecques et romaines fait partie des oiseaux aux mœurs lascives (tout comme la perdrix), et est consacrée à Vénus, la déesse de l’amour.
La légende raconte que la déesse proposa même un jour aux cailles l’honneur de tirer son char. Mais les cailles, en raison de leur grande paresse, déclinèrent finalement cet honneur…
Ces oiseaux figurent sur certaines des représentions de la déesse. Les cailles étaient offertes en présent par les amants et avaient une signification amoureuse.

(1) R.Christinger, Asiatische Studien/Etudes asiatiques 1-4, 1963 : pp.125-133,Genève.

Petite Histoire du chien d’arrêt

14 mars 2007 at 11 h 20 min

« Le chien d’arrêt est sans contredit la plus magnifique de toutes les créations de l’esprit humain; c’est ici que l’homme à vraiment crée après dieu. »
A. Toussenel

Pour définir le chien d’arrêt, on peut reprendre cette citation de Paul Megnin : « Le chien d’arrêt est le chien de chasse qui quête en silence en aspirant l’air, tête levée, les émanations du gibier, et qui, lorsqu’il rencontre, s’arrête immobile, dans une position et avec des frémissements de queue particuliers qui sont un vrai langage pour le chasseur, à qui ils indiquent, non seulement l’endroit ou le gibier est blotti, mais même l’espèce à laquelle il appartient. »

 

La période antique

Il semble que les chiens d’arrêts n’existaient pas dans l’antiquité. On prenait en effet à cette époque les oiseaux au moyen de filets, de lacets et de glu. Malgré les affirmations de certains auteurs, qui s’appuient le plus souvent sur des textes mal traduits, aucun texte antique n’y fait référence.
On a cru, plus tard, voir mention de chien d’oysel dans le capitulaire de Dagobert (VIIeme siècle) dans la phrase « que celui qui à tué un chien de chasse dit hapichunt compose avec trois sous plus son semblable ». Le mot hapichunt à été parfois traduit improprement comme signifiant chien d’arrêt, alors que le mot « hapich » signifie en réalité faucon. Il s’agit donc du chien des fauconniers, et non pas d’un chien couchant.

L’homme a probablement remarqué les aptitudes embryonnaires à l’arrêt qui existaient naturellement chez certains chiens. Il les à progressivement développées, puis fixées grâce au dressage, et à une sélection et une utilisation constante.
Certains textes antiques vont dans ce sens, et font référence, non pas à des chiens d’arrêts en tant que tels, mais à des limiers semblant posséder ces aptitudes embryonnaires -cf. Gratius Faliscus (1); et Pline l’Ancien (2)-.

 

Une apparition tardive de la fin du moyen âge?

Selon Arkwright, le chien d’arrêt est une création du moyen âge. Ce dernier fixe son apparition vers le 12eme siècle. Il se base pour cela sur les premiers documents mentionnant l’utilisation de chiens spécifiques pour la chasse des oiseaux.
Pour Jean Castaing (3) en revanche, les premiers véritables chiens d’arrêt, au sens ou nous l’entendons aujourd’hui, n’ont véritablement commencés à être fixés que trois à quatre siècles plus tard (15eme et 16eme siècle), c’est à dire au début de l’époque moderne.

Certains textes semblent en effet aller dans le sens d’une apparition relativement tardive du chien d’arrêt.
Dans cet extrait du « Ménagier de Paris » (publié en 1393), il est écrit:
« Premièrement, qui veult avoir bon déduit de l’esprevier, il est nécessité que assez tost après Pasques l’espreveteur se garnisse d’espaignols et qu’il les maine souvent aux champs quérir les cailles et les perdris… Et est assavoir que tous espaignols qui sont bons pour la chace du lièvre ne sont pas bons pour le déduit de l’esprevier, car ceux qui sont bons pour le lièvre queurent après et le chassent, et quand ils l’atteignent, le mordent, arrestent et tuent, se à ce sont duîs; et autel pourraient-ils faire à l’esprevier. Et pour ce, ceux qui savent bien trouver les perdris et la caille ne queurent point après l’esprevier, ou s’ils y vont, si sont-ils si duis que tantost qu’ils voient que l’esprevier a liée et abattue la perdris ou autre oisel et la tient sous lui, s’arrestent et ne s’approchent, iceulx espaignols sont bons, et les autres non. »
L’auteur fait allusion dans ce texte à des chiens « espaignols » servant encore de chien courant pour la chasse du lièvre vers la fin du 14eme siècle. Cela montre que, même à cette époque relativement tardive, tous les épagneuls n’étaient encore totalement spécialisés sur la chasse des oiseaux.
Même ceux qui semblent destinés à la recherche des cailles et des perdrix ne sont pas des chiens d’arrêt: ils ont encore pour mission essentielle de mettre à l’essor les oiseaux, et de ne pas se jeter sur le faucon, une fois que ce dernier se trouve au sol avec sa proie.
Ce dernier point introduit une idée particulièrement importante: il permet de déduire les critères de sélection sur lesquels les intendants des seigneurs de la fin du moyen âge ont sélectionné, consciemment ou inconsciemment, leurs chiens: un caractère moins agressif et impulsif que celui des chiens courants, et une meilleure dressabilité. le chien ne doit pas s’approcher du faucon qui maintient la caille ou la perdrix au sol, ce qui suppose un dressage.
Cette capacité au dressage suppose elle même des chiens plus proches de leur maître, et donc plus affectueux.

 

Détail fresque Italienne, vers 1400 , château Buonconsiglio, Trente, Italie

La fresque italienne ci-dessus semble confirmer que la frontière entre les chiens courants et les chiens d’arrêt n’était pas aussi nette qu’aujourd’hui, même au début du 15eme siècle. On peut y voir deux chiens, au pelage brun pour l’un, et blanc pour le second, pister le nez sur le sol, à la façon de deux limiers, des perdrix qui semblent fuir devant eux. Une attitude qui se situe bien loin de celle de nos chiens d’arrêts actuels…

 

Une création du sud de l’Europe

Pour Jean Castaing, le chien d’arrêt serait une invention du sud de l’Europe. Les seuls textes concernant ce type de chiens se trouvent en effet dans des ouvrages Italiens, Français, et Espagnols. Il s’appuie notamment sur les écrits de plusieurs auteurs : Brunetto Latini, dès 1260, parle de chiens destinés à chasser les oiseaux, Albert Le Grand (13eme siècle) décrit dans « De animalibus » comment on apprenait en Italie aux chiens couchants à tourner autour des perdrix. Gaston Phoebus les décrit également au 14eme siècle.

Enluminure représentant un groupe de chiens d’oysel, extraite du « Livre de chasse » de Gaston Phoebus, rédigé vers 1389

Le naturaliste Suisse Gesner parle en 1551 de chiens de cailles utilisés en France. On peut citer également le naturaliste Français Pierre Belon. Ce dernier décrit dans son livre « Histoire de la nature des oyseaux « , publié en 1555 des chiens d’arrêt utilisés sur cailles (4).

 Magnifique gravure en couleur représentant le fameux chien Espagnol (canis hispanicus), ancêtre de tous les épagneuls actuels, par Ulisse Aldrovandi (vers 1550). Certains auteurs envisagent la possibilité qu’il ne s’agirait pas de chiens en provenance d’Espagne (comme semble le suggérer Gaston phoebus), mais plutôt d’une déformation des termes « s’espanir « ou « s’espaignir » (se coucher), qui aurait fini par donner au final le mot actuel « Épagneul ».

Ces ouvrages permettent de cartographier la zone d’apparition du chien d’arrêt, qui comprend le sud-ouest de la France, L’Italie et l ‘Espagne. En se basant sur le gibier naturellement présent sur ces zones, ont peut essayer de déduire sur quels type de gibier les premiers chiens d’arrêt ont été utilisés: perdrix rouges et cailles des blés majoritairement, et dans une bien moindre proportion la perdrix grise, présente uniquement sur les zones montagneuses d’Italie d’Espagne ou de France (Pyrénées).
Les « chiens d’oysel » étaient dressés de façon à se coucher en présence des cailles ou des perdrix (le terme « chien couchant » est également employé pour les désigner). On lançait ensuite un grand filet, qui recouvrait le chien et les oiseaux se trouvant devant lui. Il ne restait plus alors qu’à les capturer à la main, ces derniers étant empêtrés dans les mailles du filet.

Magnifique gravure attribuée à Joseph Stradanus (Bruges, 1523 – Florence, 1605) et extraite de l’ouvrage ‘Venationes ferarum, auium, piscium. Pugnae bestiariorum: et mutuae bestiarum », publié en 1578. Elle représente une scène de chasse à la caille au moyen de filets et chiens d’arrêt.

 

Chasse au filet tirasse à caille

Gravure du 19ème siècle représentant une scène de chasse au chien d’arrêt, au moyen de filets. Si l’on compare les deux gravures ci-dessus on constate que ce mode de chasse n’a que peu ou pas évolué entre le début du 16ème siècle, et la fin du 19ème siècle, ou il était toujours usité.

Dans certains pays, cette pratique continue encore d’être utilisée comme le montrent les deux vidéo ci-dessous :

Ces dernières ont été tournées vers 2011 au Pakistan, pays ou la caille des blés est également présente. Il n’y a probablement pas de grandes différences entre la façon dont les hommes opèrent sur la vidéo, et celle des chasseurs au filet du moyen âge.

 

Étymologie

L’appellation « chien d’oysel », n’est pas sans poser de problèmes. En effet, ce terme englobe indifféremment dans les textes médiévaux l’ensemble des chiens utilisés pour la chasse des oiseaux.
Or, les chiens utilisés pour la fauconnerie (qui sont également dénommés chiens d’oysel) n’avaient pas nécessairement l’instinct de l’arrêt. Ces derniers se contentaient de poursuivre le gibier pour le faire lever, afin qu’il soit capturé par les faucons (un peu à la façon des Springers actuels).
Gaston Phoebus dans son livre de la chasse, prend d’ailleurs soin de distinguer les chiens d’oysel, servant à lever le gibier devant les oiseaux de proie, de ceux auxquels on « apprend à être couchant. ».
Le fait de se coucher en présence du gibier est donc bien le résultat d’un dressage, qui a probablement fini par devenir atavique au fil des siècles.

L’étymologie du mot chien d’arrêt semble elle-même venir directement de ce mode de chasse au moyen de filets. Le terme chien d’oiseau utilisé pour la chasse au filet se traduit en effet en Italien par « Cane de rete », et « chien de retz » en français. Le terme actuel de chien d’arrêt n’a été utilisé qu’à partir du 18eme siècle pour désigner des braques ou des épagneuls. Il ne serait donc qu’une déformation phonétique des ces expressions, et ne viendrait pas de la fonction (arrêter le gibier) comme on aurait pu le croire.

 

Le développement et le perfectionnement du chien d’arrêt (16e siècle à nos jours)

Les chiens d’arrêt semblent s’être largement répandus en France dès le 16eme siècle. Plusieurs ordonnances royales (La première fut rédigée en 1578, rapidement suivie de plusieurs autres publiées successivement en 1600,1601,1607 et 1669) émanant de Henri III, Henri IV , Louis XIII, et Louis XIV en réglementent sévèrement l’utilisation, ces derniers étant jugés trop meurtriers. Les chiens d’arrêts demeureront l’apanage exclusif des rois (5) , des princes, et de quelques privilégiés, jusqu’à la révolution française, moment à partir duquel leur usage sera toléré.
Les progrès du chien d’arrêt semblent être allés de pair, au cours des siècles suivants, avec ceux de l’armement.
L’arquebuse (l’ancêtre de nos fusils actuels) fut crée vers le début du 16eme siècle. A ses débuts, elle ne permettait de tirer les oiseaux que posés. Il fallut attendre d’une part son allègement (fin 16ème siècle), mais aussi l’invention du fusil à silex, et surtout de la grenaille (1630) pour pouvoir tirer les premiers oiseaux au vol. Rappelons qu’avant cette époque on ne tirait qu’à balle.
Jean Castaing estime que c’est vers cette période que l’on à commencé à « retenir », par le biais du dressage, les chiens au moment de l’essor du gibier. La poursuite du gibier était en effet devenue nuisible au tir (gêne pour le chasseur, ou risque de blessure du chien).

Le coût de ces armes est tel qu’elles resteront longtemps l’apanage de la noblesse et de la bourgeoisie. La tradition de la chasse aux filets et l’utilisation de chiens « couchants » s’est maintenue dans les milieux populaires plusieurs siècles durant. L’interdiction de la chasse au filet, à partir de 1842, et la démocratisation progressive du fusil au cours du 19eme siècle conduiront à sa disparition progressive. Elle s’est en réalité poursuivie sous forme de braconnage jusque vers la fin du 19eme siècle, voire jusqu’à la première moitié du 20eme siècle comme semblent le suggérer plusieurs auteurs cynégétiques .

L’expansion de la chasse à tir vers la fin du 19eme siècle, coïncide également avec la fixation de la plupart des races actuelles de chien d’arrêt. Ces dernières ne sont pas, dans la plupart des cas, des créations pures. Les éleveurs ont souvent repris, en les améliorant, de vieilles souches régionales qui existaient déjà, et fixé un standard officiel. C’est vers cette même époque que seront implantés en France les premiers Field trial (- le premier a eu lieu a Esclimont en 1888), destinés à sélectionner les meilleurs reproducteurs sur la base de leurs aptitudes au travail (ces derniers avaient été crées en Angleterre quelques décennies plus tôt).

(1) Gratius Faliscus, « Cynégétiques », « (De même était le chien métagon) »qui tombe sur sa proie en silence, évente un animal sauvage au gîte et décèle sa présence cachée par son attitude, il manifestera sa joie en remuant doucement sa queue, ou, grattant la terre avec ses pattes. »

(2) Pline l’ancien, « Zoologie », Livre VIII, LXI 40, « S’ils voient le gibier, quel silence, et quelle circonspection, en même temps quelle expression dans le mouvement de leur queue et de leur museau! Vieux, aveugles, perclus, ils rendent encore des services, on les porte dans les bras, ils éventent le gibier et indiquent sa retraite »
(3) Jean Castaing, « Les chiens d’arrêt », Éditions du Message Berne, 1960
(4) Pierre Belon « Histoire de la nature des oyseaux « , publié en 1555: « C’est ce que l’on a aprin à un chien de les sçavoir cognoistre et soudain qu’il a senty la caille, il s’arreste tout court. Les chasseurs ont un rets large nommé une tirasse, laquelle ils desployent, et vont l’un deça et l’autre dela: dont ils couvrent le chien et la caille, et par ce moyen demeure prinse ».
(5) Louis XIV était lui même un grand amateur de chiens d’arrêt et affectionnait tout particulièrement les épagneuls. Ce dernier à d’ailleurs fait représenter les portraits de plusieurs de ses chiens par le peintre A.Desportes

Jean-Luc Bayrou

Les cailles aux États-Unis

13 mars 2007 at 11 h 20 min

Disons le immédiatement, il n’y a pas de cailles des blés aux États-Unis…  L’aire de répartition de ce petit gallinacé ne s’étend pas au-delà de l’Europe, d’une partie de l’Afrique et de l’Asie – et c’est déjà pas mal, me direz-vous-.

De quoi vais-je vous parler alors ? D’un article datant de 1928, extrait du Bulletin technique du département Américain d’Agriculture, et intitulé « Les oiseaux sauvages introduits ou transplantés en Amérique du Nord « (1).  Autre temps, autres mœurs, ou les colons américains essayaient de réintroduire dans leur nouveau pays les espèces qui leur étaient jadis familières en Europe. L’auteur répertorie sur une soixantaine de pages, les essais d’introduction, plus ou moins fructueux, d’oiseaux en provenance du monde entier en Amérique du Nord (Entre la fin du 18eme siècle et le début du 20eme siècle). Plus d’une centaine d’espèces sont mentionnées : moineau domestique, Bouvreuil, Alouette des champs, Chardonneret élégant, Étourneau, Tarin des aulnes, Lagopède alpin,  Pintade, râle des genêts, grouse,  Perdrix grise et rouge, faisans, et même le grand tétras…

En ce qui concerne la caille des blés, la chasse semble avoir été la principale motivation de ces importations.  Selon l’article, de nombreux chasseurs américains étaient extrêmement enthousiastes à l’idée de pouvoir chasser des cailles aux États-Unis, et il semble qu’il y ait eu un vrai engouement pour cet oiseau. Horace P. Toby fut à l’origine en 1875 de la première importation de cailles, en provenance de la région de Messine en Italie. 2 cages contenant 250 cailles furent acheminées par bateau jusqu’au États-Unis.  189 oiseaux survécurent à leur traversée sur le « Neptune » et arrivèrent en excellente condition, puis furent relâchés près de la ville d’Ayer dans l’état du Massachusetts.

A partir de cette date, de nombreuses tentatives d’introduction eurent lieu au Québec, en Ontario,  dans le Maine, le New Hampshire, le Vermont, le Massachusetts, l’état de New York, le New Jersey, la Pennsylvanie, la Virginie, et l’Ohio, et cela malgré le coût extrêmement élevé pour l’époque de ces importations par bateau – près de 3 dollars par oiseau-. Certaines d’entre elles furent menées à grande échelle puisque jusqu’à 5000 Oiseaux furent lâchés simultanément dans 16 localités différentes.

Peu après que les oiseaux eurent été relâchés, Il y eu de nombreux témoignages encourageants concernant la présence de couvées durant la première saison, et certains individus demeuraient à proximité de leur point de lâcher jusqu’au mois de Novembre ou de Décembre. On constata cependant, qu’une fois le moment de la migration passé, aucun oiseau ne revenait. Une caille fut capturée au sud de la Géorgie, et une autre en Caroline du Nord. Des oiseaux se posèrent en Novembre 1877 sur un bateau qui faisait route à plusieurs centaines de miles au sud-est du cap Hatteras (2), et il devint évident que les cailles qui avaient été relâchées, ainsi que leurs petits, migraient d’abord en direction du sud-est, puis périssaient en mer dans un impossible voyage retour vers l’Afrique.

Cela mis un terme aux espoirs des chasseurs américains, et à partir de 1881, plus aucun oiseau ne fut importé.

(1) « Wild Birds introduced or transplanted in north america », P.38 à 39 ; John C. Philips, 1928, Technical Bulletin No 61, april 1928, United states département of agriculture, Washington D.C.

(2) Le cap Hatteras est une bande de sable située au Large de la Caroline du Nord, sur la côte Est des États-Unis.