Les cailles vertes

14 décembre 2022 at 22 h 32 min

Il y a 30 ans environ, mon père rentra un soir avec une jeune chienne de race Beagle Harrier qu’il venait d’acheter chez un petit éleveur. Elle s’appelait « Dune des cailles vertes ». Étrange nom pour un chien courant! Malgré le fait que plusieurs membres de ma famille soient eux même des chasseurs de cailles, tout le monde se perdit en conjectures quant à l’origine de ce curieux affixe, et l’on finit par conclure à une fantaisie, un peu étrange, de l’éleveur.

Ce n’est que bien des années plus tard que j’ai fini par apprendre, au fil de mes lectures cynégétiques, que la chasse des cailles vertes avait bel et bien existé, et qu’il s’agissait d’une chasse de printemps, autorisée en France jusqu’en 1842. Malgré son interdiction, cette dernière a continué à subsister sous forme de braconnage durant la première moitié du 20eme siècle. Cette chasse, dont il existe de nombreuses variantes, consistait généralement à capturer au moyen de filets (les halliers) et d’appeaux les oiseaux dans les prés et les blés encore verts.

Quant à l’explication précise du terme cailles vertes, je l’ai trouvée dans un ouvrage de Jean Castaing (1). Ce dernier écrit qu’elles étaient surnommées ainsi « parce que ces cailles étaient prises dans les blés verts et aussi parce qu’elles étaient alors très tendres, à peine mures ». Il ajoute que « ces captures ont constitué pendant longtemps une véritable industrie en Egypte, dans les îles méditerranéennes et en Italie même ». On retrouve cette même explication du terme « cailles vertes » chez de nombreux autres auteurs du 18eme et du 19eme siècle (2).

Contre toute attente, cette chasse oubliée subsiste encore de nos jours, de façon légale. Soumise à autorisation préfectorale, elle est devenue le privilège des quelques techniciens du réseau caille qui réalisent un suivi des populations dans quinze départements Français.

Peu de choses ont changé finalement. Le filet est désormais en matière synthétique. Quant à l’appeau (il s’agissait autrefois d’une bourse en cuir, garnie de crin de cheval, et avec un embout formé d’un os de lièvre ou de chat), il est aujourd’hui avantageusement remplacé par un lecteur MP3 muni d’un petit haut parleur qui diffuse le chant d’une femelle. J’ai le plaisir d’être invité régulièrement depuis maintenant plusieurs années par Pascal Fosty, technicien de la fédération départementale des chasseurs de L’Ariège, et bagueur agrée. Il réalise un suivi des populations de cailles en Ariège depuis une quinzaine d’années.

Nous nous donnons rendez vous au lever du jour, à proximité d’une aire de covoiturage. Quelques instants après, nous voici déjà en route à bord de sa fourgonnette. Premier arrêt à proximité de l’un des champs de blés figurant sur son circuit hebdomadaire qui compte une dizaine d’arrêts. Nous quittons la petite route communale pour nous engager dans un chemin agricole envahi d’herbes folles situé entre deux champs de blés encore verts. Tandis que nous roulons, les graines et les insectes pleuvent sur le capot. Le signe d’un milieu en bonne santé…

Le véhicule s’immobilise et nous descendons silencieusement, en évitant soigneusement de claquer nos portières. Le moindre bruit pourrait mettre nos oiseaux en alerte… Au loin, nous entendons un mâle chanter spontanément. Pascal sort immédiatement le filet japonais de son véhicule et l’étend soigneusement sur le sommet d’une parcelle de blé. Il met ensuite en route son appeau électronique qu’il tend à bout de bras, diffusant le chant d’une femelle. Quelques minutes passent et déjà plusieurs mâles répondent à l’appel. Certains d’entre eux se rapprochent en voletant, puis s’avancent à travers les blés, en s’interrompant par moment pour chanter. Ces derniers, subjugués par le chant de la femelle, s’approchent jusqu’à se trouver parfois à quelques dizaines de centimètres de nous. Se croyant alors a proximité immédiate de la femelle, ils émettent une sorte de gloussement. C’est le signal… D’un coup, Pascal se lève et frappe brusquement sur les filets. Effrayés, les oiseaux bondissent pour s’envoler et se retrouvent aussitôt emmêlés. Il ne reste plus alors qu’à les extraire délicatement des mailles pour ensuite procéder aux différentes mesures, puis enfin au baguage avant de les relâcher. Pas moins de 22 oiseaux seront entendus dans la matinée et sept d’entre eux seront capturés…

Lors des mesures, j’entends Pascal s’exclamer «Celle-là, elle est presque vert fluo !». Étonné, je m’approche et je constate que le plumage de l’oiseau à une couleur vert olive prononcée. Incrédule, je manipule l’oiseau entre mes mains, je soulève les ailes, examine le ventre, le dos afin de m’assurer qu’il ne s’agit pas juste du frottement dans les herbes qui à coloré superficiellement le plumage. Mais non ! C’est bien l’oiseau dans son intégralité qui est vert ! J’en reste estomaqué…

Caille « verte »: la couleur vert légèrement olive du plumage est bien visible

Ce n’est pas un cas isolé car au cours de la matinée nous capturerons d’autres oiseaux avec cette même coloration verte. Pascal Fosty explique qu’il lui arrive chaque année de capturer des oiseaux avec cette teinte, plus ou moins prononcée, mais que cette année particulièrement, il en capture beaucoup. L’ingestion de certaines graines (hypothétiquement la luzerne?) pourrait être la cause de cette coloration. Ce phénomène n’est pas inhabituel chez les oiseaux, l’exemple le plus célèbre étant le flamand rose qui doit sa couleur à la consommation massive de minuscules crevettes (artemis salina) qu’il filtre dans l’eau des salins de Camargue. Dans le cas de la caille, il est impossible de déterminer de façon précise les raisons de cette coloration, car cela supposerait de sacrifier les oiseaux concernés pour pouvoir les autopsier.

Voici un mystère de plus concernant cet oiseau, et peut être une explication beaucoup plus littérale du terme « cailles vertes ». Je ne serais pas surpris en effet que les anciens aient déjà remarqué ce phénomène, et qu’il puisse être la véritable origine de cette expression.

(1) JEAN CASTAING, « MANUEL PRATIQUE DU CHASSEUR EN PLAINE », P.48, EDITIONS BORNEMANN, 1968
2) AVICEPTOLOGIE FRANÇAISE, OU TRAITÉ GÉNÉRAL DE TOUTES LES RUSES DONT ON PEUT SE SERVIR POUR PRENDRE LES OISEAUX QUI SONT EN FRANCE, PIERRE BULLIARD, 1794

Un curieux appeau à cailles…

10 avril 2015 at 13 h 24 min

introduction caille

Voici une anecdote savoureuse publiée le 20 mai 1882 dans un article du célèbre journal hebdomadaire « La chasse illustrée ». Ce récit, un peu gaillard, arrive en conclusion d’un très bel article Mr G. de Magnitot concernant l’inapplication de la loi de 1844, censée interdire le commerce des cailles en dehors de la période de la chasse.
« (…) Ceci me remet en mémoire une anecdote tant soit peu gauloise que je ne sais trop comment vous raconter; enfin je vais essayer, il sera toujours temps de m’arrêter.
Dans une petite ville de province menaient ensemble joyeuse vie trois farceurs de la plus belle venue, tous joyeux compagnons. A nul on n’aurait pu reprocher son innocence, mais à l’un des trois certaine bonne dose de naïveté gobeuse. Un soir, le chant des cailles arrive jusqu’aux oreilles de nos amis; et de parler de la possibilité de les attirer jusqu’aux pieds. Question de notre naïf: Pourquoi? comment? Avec quoi?
Une idée diabolique traverse la tête de l’un des deux autres compères. D’un signe il prévient son copain et dit au questionneur:
-Mais mon cher, rien n’est plus simple, tout vigoureux gaillard comme nous a sur lui tout ce qu’il faut pour imiter dans la perfection le chant des cailles et les attirer.
-Tu te moques!
-Pas du tout; tiens, je vais aller prendre mon chapeau, nous allons sortir et tu verras!
-Pour l’intelligence de la chose, il vous faut dire que l’appeau à cailles est une sorte de petit sac de peau rempli d’air, terminé par un sifflet en os ou en métal; de petits coups répétés sur le sac chassent l’air au travers du sifflet et produisent le son voulu.
Or notre homme s’éclipse un instant et revient avec canne et chapeau, mais il avait, le traitre, organisé un appeau à cailles dans sa… dans son…Les anglais disent shocking!
On arrive aux champs… Tiens, vois tu, il ne s’agit que de frapper la, et comme cela!… Et, en effet, des profondeurs…sort distinct le cri connu, auquel répond bientôt tout à côté une caille accourant dans les blés verts.
-C’est prodigieux! s’exclame notre naïf, je n’aurais jamais cru à la possibilité de ce nouvel usage! Et tu dis que c’est facile?
-Comment donc! mais tu serai le seul qui ne réussirait pas. Tiens… place toi.. comme cela…bon! frappe…
L’autre essaye sans résultat, comme on pense bien.
-Mais ça me fait mal!
-Tu t’y prend mal! tiens, vois, moi! plus sec et plus fort!
Le plus fort, c’est qu’il se mit à frapper en effet, et si rudement, que la douleur qu’il se causa l’empêcha seule de remarquer tout de suite ses deux amis se tordant de rire.
Il en fut malade, il avait cogné en conscience et pas à côté. Les amis sont terribles! Le lendemain toute la ville se racontait, au besoin derrière l’éventail avec de petits rires étouffés, l’histoire de l’appeau à cailles de X… On en parle encore et je tiens l’histoire du mystificateur lui même. »

G. De Magnitot

Pour en savoir davantage sur les appeaux à cailles (les vrais!!) et leur utilisation:
http://caille-des-bles.blog.fr/2007/03/11/appeau-a-caille-7558695/

gravure bodmer caille

Cailles empoisonneuses

18 mars 2015 at 22 h 32 min

Voici le courrier d’un lecteur du chasseur français publié dans la revue No 618 (Février 1948)et intitulé « Cailles empoisonneuses » (P.10).
Il relate le cas particulièrement curieux d’un empoisonnement après consommation de chair de cailles survenu au mois de septembre.
Ce genre d’incident survenait parfois en France lorsque les chasses de printemps étaient encore autorisées au début du siècle dernier. Il arrivait parfois que des oiseaux, fraichement arrivés d’Afrique du Nord, aient ingérés des graines de ciguës (La grande ciguë est très présente en Afrique du Nord, et ses graines fraiches sont souvent consommées par les cailles, sans que ces dernières paraissent en être incommodées). La consommation des oiseaux entraine alors paralysie, vomissements, etc, mais ne semble cependant pas mortelle…
Ce lecteur semble relater un cas beaucoup plus inhabituel, puisque les cailles incriminées ont été prélevées et consommées au mois de septembre.

« Pour faire suite à l’article de M. Bonnet, paru sous ce titre dans Le Chasseur Français de juin-juillet 1947, voulez-vous me permettre de vous conter une mésaventure qui m’est arrivée récemment ?

D’une famille de grands chasseurs, j’ai soixante-huit ans et je chasse depuis l’âge de seize, c’est-à-dire que j’ai tué en ma vie un grand nombre de cailles et que j’en ai mangé et vu manger autour de moi un nombre très élevé : jamais aucun accident ne s’était produit.

Or, cette année, les perdreaux étant très rares en Creuse et à peu près inabordables, je me suis rabattu sur les cailles, assez nombreuses.

Le dimanche 14 septembre, j’en ai tué cinq dans un champ de pommes de terre attenant à un champ de sarrasin. Mangées le mardi 16 (la caille, dit-on, doit être mangée sous le fusil), elles furent déclarées excellentes et ne causèrent aucun trouble.

Le jeudi 18, je tuai à nouveau quatre cailles, l’une dans le champ précédent, les trois autres dans une jachère d’herbes sèches, éloignée de toute récolte sur pied. Les cailles furent préparées le samedi suivant au déjeuner de midi et reconnues exquises au goût.

À 6 heures du soir, je me promenais dans mon jardin attenant à mon habitation, lorsque, sans avoir ressenti aucun malaise préalable, les jambes se dérobèrent sous moi et je tombai à terre, éprouvant tout à coup des douleurs d’une grande violence dans les reins, les jambes et les bras. Transporté immédiatement dans mon lit, je fus atteint, en quelques instants, d’une paralysie presque totale, avec raideur absolue de la nuque, sueurs froides, corps glacé, extinction de la voix, mal de gorge et oppression. Le médecin vint aussitôt et constata, en plus des symptômes ci-dessus, deux points de congestion au bas des poumons avec râles. Pas de température, 37° seulement.

Le docteur me prescrivit certains médicaments, promettant de revenir à minuit ; quelques instants après son départ, ma femme, qui me soignait, était prise à son tour des mêmes symptômes, quoique moins violents. Ce fut alors que votre article me revint en mémoire et que j’imputai notre état à l’absorption des cailles. Quand, à minuit, le docteur nous fit une nouvelle visite, il confirma entièrement mon jugement, notre état présentant toutes les caractéristiques d’un empoisonnement par la ciguë.

Les douleurs violentes durèrent toute la nuit et une partie de la matinée, puis allèrent en s’apaisant pour disparaître à peu près complètement le soir, nous laissant seulement une courbature.

Le docteur, m’ayant ausculté à nouveau dans la matinée, ne trouvait plus aucune trace de congestion.

J’ai tenu à vous narrer cette histoire. Les cailles empoisonneuses sont trop peu connues des chasseurs, et il serait peut-être bon de mettre en garde contre un danger sinon mortel, du moins bien pénible et bien douloureux.

Ma femme a été moins atteinte que moi, car, à mon avis, elle n’avait dû manger qu’une caille nocive, l’autre ayant été tuée ailleurs.

Il résulte de mon aventure que la caille verte n’est pas seule en cause, puisque notre empoisonnement s’est produit en septembre, je crois qu’il faut imputer la nocivité des cailles empoisonneuses à l’état du terrain. Dans tous les cas, je sais gré à M. Bonnet de son article, qui a permis de diagnostiquer notre maladie dans le plus court délai.
H. BROQUIN,

abonné, Chenerailles (Creuse).

caille baguée

14 septembre 2012 at 9 h 01 min

Le 10/09/2012 j’ai effectué une sortie vers 7h00 près de chez mes parents, en Lomagne Tarn et Garonnaise.
Aslan, mon setter Anglais, à réussi un très bel arrêt dans un chaume aux abords d’un champ de Tournesol.

aslan a l'arrêt

Je constate à l’envol qu’il s’agit d’un groupe de trois cailles. Deux d’entre elles partent très bas, presque au ras du sol et sont masquées par le chien. Impossible de les tirer! J’ai plus de chance avec la troisième qui se décale suffisamment pour permettre son tir.

Je décide de retenter ma chance le soir vers 20h00 dans ce même chaume. Aslan commence à trouver à l’endroit précis ou il à arrêté le matin même. Il n’aura même pas le temps de se mettre à l’arrêt… Aussitôt une caille se lève à environ deux mètres de lui et fonce vers le champ de tournesol voisin. Je tire, et je la vois tomber à la lisière du champ… L’oiseau désailé tente de courir entre les rangées de Tournesol et est immédiatement rattrapé par le chien.
En la ramassant, je constate immédiatement quelque chose d’anormal: elle porte une bague sur l’une de ses pattes. Je vérifie plus attentivement: c’est bien ça. La petite taille de la bague et le soir qui tombe m’empêche de distinguer tous les caractères qui y figurent, mais je parviens néanmoins à lire « Museum nat Brussels ». C’est la première fois de ma vie que je prélève un oiseau bagué…
Je sais qu’en ce moment une importante étude est réalisée concernant les populations de caille des blés et que des opérations de baguages de cailles sont réalisées un peu partout en Europe, mais la surprise est totale…

caille baguée

En rentrant chez moi j’examine plus longuement l’oiseau. Il s’agit d’une jolie femelle adulte qui pèse 112 grammes.

caille baguée

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Je parviens à déchiffrer la bague qui porte la mention « 23Z19788, Museum 80 Nat 1000 Brussels ».
Dès le lendemain matin, j’ai contacté la fédération des chasseurs du Tarn et Garonne à qui j’ai transmis les informations: lieu et date de prélèvement, sexe, poids, et bien sûr toutes les mentions figurant sur la bague.
Ces derniers m’ont demandé de leur faire parvenir la bague par courrier en me promettant qu’ils me tiendraient informés, et je que connaîtrais les informations relative à son lieu de baguage. On me prévient que cela risque d’être un peu long car il faut tout envoyer à Bruxelles.
C’est fait, la bague à été envoyée par courrier le matin même. A suivre donc!

Épilogue de cette petite histoire…
Malgré des coups de fils réguliers, il m’était toujours répondu que le muséum de Bruxelles n’avait donné aucune nouvelles à ce jour.
Plus d’un an et demi ont passé…. Surprise en ouvrant mon courrier ce matin le 15/05/2014, une lettre de la fédération des chasseurs du Tarn et Garonne qui m’annonce que l’oiseau aurait été bagué le 30/08/2012 en Belgique, sur la commune de Bruxelles antwerpen, lieu dit Uebersyren.
J’ai effectué des recherches, et il n’y a rien aucune adresse correspondante en Belgique. Est ce que la localité de baguage n’est pas en réalité le muséum de bruxelles responsable de l’équipe qui à procédé aux baguages? La fédération des chasseurs du 82 que j’ai contacté semble penser la même chose.
Les coordonnées de l’endroit de l’endroit ou à eu lieu le baguage (latitude 49.38.00 et longitude 6.17.0 ) indiquent en réalité une zone rurale à l’est de l’agglomération de la ville de Luxembourg. Après vérifications, cela correspond bien à la commune de Uebersyren. Bref, c’est pas très clair tout ça, mais ce qui est sûr, c’est qu’elle a parcouru exactement 751 kilomètres en dix jours! Pas si mal pour une boule de plume d’une centaine de grammes…

Pluie miraculeuse

24 juin 2010 at 21 h 32 min

Il y a une vingtaine d’années environ, vers le début du mois de septembre, je chassais dans un chaume de blé situé non loin de la ferme familiale. J’avais amené avec moi Dyane, une femelle setter anglais très expérimentée. C’était une fin d’après midi chaude et orageuse. Les sols étaient encore particulièrement desséchés et ne facilitaient pas le travail des chiens.
Après deux heures d’inspection méthodique, et beaucoup d’efforts nous n’étions parvenus à lever en tout et pour tout que trois ou quatre cailles dans un grand champ d’une dizaine d’hectares. Je n’avais pas été très adroit ce jour la, et le carnier n’était pas bien lourd. Le ciel orageux s’obscurcissait de plus en plus et les premières gouttes de pluie commençaient à tomber autour de moi. Fin d’été oblige, je n’avais qu’un simple tee-shirt sur les épaules. Je me dirigeais aussitôt vers le fond du champ afin de regagner la ferme.
Alors qu’une fine bruine commençait à tomber, je vis Dyane prendre une pose d’arrêt. Alors que je m’approchais d’elle, une caille se leva que je m’empressais aussitôt de tirer. La bruine redoublait, et à peine avais je ramassé la caille que Dyane retomba à l’arrêt quelques mètres plus loin. Deux cailles se levèrent cette fois. Nouveau tir, et à peine quelques secondes plus tard, nouvel arrêt de la chienne… Chaque fois que je faisais mine de quitter le champ pour aller me mettre à l’abri, Dyane trouvait d’autres oiseaux. C’était à n’y rien comprendre: des cailles surgissaient de partout, dans des endroits que nous venions pourtant d’explorer méthodiquement quelques minutes auparavant. La chienne elle-même semblait prise de frénésie devant cette abondance de gibier. Le tir n’était pas des plus aisés : les verres de mes lunettes étaient couverts de gouttelettes d’eau et je n’y voyais pas grand-chose. A ma grande surprise je vis même se lever plusieurs couvées complètes de 4 ou 5 oiseaux. Le summum fut atteint lorsque je dus sauver des crocs de ma chienne une dizaine de jeunes cailleteaux, à peine âgés de deux ou trois jours , qu’elle arrêta presque à mes pieds. Trempé, et presque à court de cartouches, je finis enfin par quitter le champ.
Tout cela me laissa quelques temps perplexe. Je parlais de cet épisode avec d’autres chasseurs des environs. Certains affirmaient qu’un passage de cailles avait dû se poser dans le champ avec la pluie. J’objectais que les cailles migrent habituellement la nuit, et que tout cela s’était passé au grand jour : aucune volée de caille n’avait pu se poser à mon insu dans le champ. De plus, comme expliquer les couvées de cailleteaux, incapables de migrer? Selon moi, la pluie fine et régulière avait tout simplement transformé en l’espace de quelques instants des conditions de chasse difficiles en conditions purement idéales, aussi bien en matière de température que d’hygrométrie. J’avais juste eu la chance d’être la au bon moment.
Cet épisode me rendit beaucoup plus modeste sur les réelles capacités de nos chiens d’arrêt à évaluer la population de cailles d’un territoire donné. L’action combinée de la chaleur, de la sécheresse, rendent parfois le travail des chiens très difficile et aléatoire. Les cailles que nous levons ne sont bien souvent que la partie émergée de l’iceberg.

Débuts

15 juin 2007 at 22 h 26 min

Voici un très joli récit extrait du livre « émotions de chasse » de Jean de Witt (publié en 1941). Dans ce court chapitre intitulé « Débuts », il décrit ses premiers pas en tant que jeune chasseur et nous livre le récit de sa première ouverture. On notera au passage les magnifiques dessins de Joseph Oberthur qui illustrent ce chapitre.

Pluton à l'arrêt sur cailles

« Je me suis couché tout habillé, à seize ans, le 14 août 1903. Mon premier complet de chasse me paraissait aussi beau que mon permis, que mes gros souliers de marche et que les guêtres jaunes dont mon père m’avait adorné (1) pour ma première ouverture. Ce jour me parait lointain, et cependant il est d’hier. Les souvenirs qui nous sont chers savent prendre leur place dans le cœur et dans l’esprit comme s’ils étaient d’aujourd’hui même.
Je me souviens avec précision de cette ouverture à Morin, de cette nuit où, dans mes rêves, des lièvres gros comme des éléphants me réveillaient en sursaut, où le départ d’une compagnie de perdreaux me faisait bondir au bruit métallique de son envol brutal, où les cailles, en contrepartie, me berçaient de leur chant de trois notes, plus énervant que poétique. Cinq fois dans la nuit, je me levais pour constater que les étoiles luisaient encore au ciel, que la nuit était légère et que le grillon de ma chambre continuait son éternelle chanson. Il faisait chaud. Je regardai mon petit fusil calibre 20. Je me recouchai en songeant aux chaumes dorés, à l’odeur de la poudre noire, à l’arrêt du chien Pluton qui, demain, devait me donner tant d’émotions.
Mais il était 2 heures du matin, et je n’avais jamais été soumis à veillée aussi prolongée. Je m’endormis pesamment, avec ce sentiment que le fusil était là dans le coin de ma chambre. Mes souliers neufs enserraient les jeunes pieds de mes seize ans, j’avais cette certitude reposante: les cailles de la plaine de Truquet, que « je connaissais », m’attendraient jusqu’à mon passage à leurs côtés. A 5 heures je me réveillai. Ce fut un des plus beaux moments de ma vie. Tout équipé, je bondis de mon lit, et, au détriment de tous les dormeurs de la maison, je descendis l’escalier de trente-deux marches, appuyant lourdement, comme il se doit, sur mes premières bottes de chasse, jusqu’au rez-de-chaussée où je rejoignis mon père qui partait, sans émotion, pour ma « première ouverture ».
L’arrivée de Cloto, notre « chasseur », et de son chien Pluton, n’interrompit pas le calme déjeuner paternel. J’étais très nerveux, je l’avoue. Les petites cailles auraient-elles la bonté de nous attendre?
Nous étions partis vers la plaine, que le soleil rendait magnifique. Tout paraissait baigné de vapeurs légères roses et dorées. Les teintes vertes des arbres avaient des tonalités inouïes de variétés. En pénétrant dans les premiers chaumes, tout me parut éclatant de vie intense. J’eus cette impression que chaque pas vers une touffe plus haute que les autres, vers un rang de mil ou de sainfoin plus jaune ou plus vert, devait abriter le gibier pourchassé.
Mon imagination travaillait. Pluton, après dix minutes de quête, s’arrête brusquement en une attitude tremblante qui indique bien nettement que le gibier glisse, se faufile, en un admirable mimétisme, sous le nez subtil du chien. celui ci rampe, s’arrête, me regarde de côté d’un œil tendre. Un petit rang de vigne, des herbes légères. Je m’efforce de découvrir le gibier. Je ne vois rien. Comme ceux de Pluton, mes nerfs de tendent. Nous voici au bout du Sillon. Le chien devient anxieux. Moi aussi. Au ras du sol une caille se lève. Un petit sifflement léger et la voici, les ailles courbes, qui s’envole à travers la plaine, se confondant avec teintes d’alentour. Je tire précipitamment mes deux coups, avec cette précoce certitude de la réussite qu’ont tous les tireurs de seize ans. Manquée! Mes instructeurs avaient eu la bonté de me laisser tirer le premier. Cloto la manque et mon père tire de loin. Elle tombe. C’était la un début de chasse qui devait, tout en me permettant de jouir d’une petite gloire familiale, me rendre très humble dans l’exercice du tir de chasse…
Mon père, je m’en souviens, se retourna vers son chasseur:
– Eh quoi! Vous qui êtes si bon fusil sur les cailles, vous manquez celle-ci partie si près de vous! Vous avez encore fait des excès hier soir!
Et Cloto, qui était un bon tireur, dit à mon père simplement:
-Eh! mon dieu! monsieur j’aime tant la chasse que je n’ai pu m’empêcher, la veille de l’ouverture, de jouer un peu à la manille. J’ai bu quelques cafés, trois pernods et trois verres de fine. Peu de chose! Mais, après, on pense tellement à la chasse qu’on dort moins bien. Et je m’en ressens.
Après ces mots, qui devaient marquer la première ouverture d’une phrase définitive, la matinée fut meilleure. Les cailles suivantes, arrêtées impeccablement par Pluton, furent tirées avec élégance par mon père et par Cloto qui avait repris son aplomb. A l’heure du déjeuner, il y avait quinze cailles au tableau, et ce n’était pas mal. La quinzième avait été tuée par moi, et j’en conserverai toute ma vie une grande honte. Elle avait été tirée presque sous le nez de Pluton et, à cette faible distance, elle avait éclaté sous la charge. Je puis vous assurer que la vision de ma première caille a poursuivi ma vie de chasseur. Ce piteux exploit, dont je n’ai jamais parlé à personne, m’a rendu odieux l’assassinat et m’a appris qu’il y avait autre chose dans la chasse que l’attrait du gibier malheureux que l’ont doit tuer.
J’ai compris ce jour-là, que la beauté du sport et de la poursuite devait faire naître le goût de la difficulté, et que la facilité à ,la chasse ne devait pas être recherchée. C’est pour cela que j’ai tant aimé la sauvagine! »

(1)Adorné: orné, décoré, embelli

Pluton au rapport

Une caille chirurgienne?

15 juin 2007 at 21 h 31 min

Tout le monde a entendu parler des bécasses chirurgiennes, ces oiseaux qui se posent (ou se font poser) des emplâtres sur leurs pattes blessées.
Voici une anecdote savoureuse, concernant cette fois ci une caille, parue dans un numéro du Chasseur Français datant de Novembre 1930:

« Une caille bricoleuse »

« A l’ouverture de 1923, un ami me fit remettre une caille. La caille était grassouillette, exquise, comme se doit. Quelle fut ma surprise en voyant ses pattes. Toutes deux avaient été sectionnées au-dessus de l’articulation du « coude » , à la même hauteur, probablement par une faucheuse.
La petite bête avait ajouté à ce qui lui restait de ses membres une tige d’égale longueur, à peu près de même épaisseur, fabriquée avec une argile durcie à la chaleur, terminée chacune par un petit cône, la base
reposant sur le sol, le sommet soudé à la tige.
Donc, la caille avait choisi la matière pour fabriquer ces deux
tiges, en avait égalisé le diamètre et la longueur, avait fabriqué un
mortier, l’avait exposée au soleil pour qu’elle séchât et durcît,
l’avait terminée par une base conique sur laquelle on pouvait voir
les petits coups de bec pour en lisser la surface.
Et avait vécu sautillant ainsi jusqu’au jour où un chasseur
l’eût guérie de ses infirmités. »

La lecture de cette très jolie anecdote, presque un peu trop belle pour être vraie, m’avait laissé quelque peu dubitatif sur le moment. Cette dernière date de 1923 (près de 90 ans!), s’avère absolument unique car aucun autre cas de cette sorte n’a jamais été porté à ma connaissance pour cette espèce, malgré les nombreux articles que j’ai pu lire.
On peut observer enfin que la caille citée a été prélevée par un ami, et non le narrateur lui même, et qu’un canular ne peut être exclu. Une caille qui se fabrique des prothèses!!! Allons donc…

J’ai reçu voici quelques jours un courriel de Michel Duval, chasseur et adhérent de l’ANCC. Ce dernier m’a envoyé une série de photos particulièrement intéressantes que je vous fais partager ci-joint.
Il a prélevé fin septembre 2014 une caille femelle, porteuse au niveau de l’une de ses cuisses d’une sorte d’emplâtre essentiellement composé de plumes arrachées.

Sous l’emplâtre, il a constaté qu’il y avait une plaie très propre en voie de cicatrisation. Le secteur ou l’oiseau à été prélevé n’avait pas encore été chassé cette année. La cause éventuelle de cette blessure demeure donc totalement inconnue.
Cette caille pesait 115 grammes, ce qui est un poids tout à fait respectable: cela semble indiquer un oiseau en cours d’engraissement, et qui ne souffrait pas.

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La série de photos ci-dessous montrent sous plusieurs angles l’emplâtre. Les plumes qui le composent ont été manifestement arrachées et semblent agglomérées avec une substance jaunâtre, difficilement identifiable.

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Cela pose plusieurs problèmes: Est ce que l’oiseau s’est apposé lui même l’emplâtre? A t’il eu recours à l’assistance d’un autre oiseau pour réaliser les soins?
Il serait sans doute impropre de parler de caille chirurgienne, mais peut être peut on parler au moins dans ce cas la de caille infirmière, comme le dit joliment Michel Duval.

Ces photos ont réveillé en moi d’anciens souvenirs. Je me suis notamment rappelé avoir prélevé voici un peu plus d’une dizaine d’année une caille porteuse d’un emplâtre similaire sur le haut de sa cuisse. Ce qui m’avait le plus intrigué, c’était la découverte au dessous d’une plaie relativement fraiche (une trace de plomb) qui paraissait cependant très propre. Par manque d’information, je n’avais pas su faire la relation. Quand bien même, a qui en aurais je fait part?
Ces emplâtres sont adaptés à la taille des cailles, et donc forcément de petite taille. Il est très facile de passer à côté lorsqu’on n’y est pas sensibilisé. C’est un des objets de ce petit article: informer les chasseurs afin qu’en cas de capture d’oiseaux porteurs d’emplâtres similaires ils pensent à prendre un maximum de photos, à peser l’oiseau prélevé, voire dans l’idéal à conserver l’emplâtre.
En cas de découverte, n’hésitez surtout pas à me contacter: caille.des.bles@gmail.com