Petite Histoire du chien d’arrêt

14 mars 2007 at 11 h 20 min

« Le chien d’arrêt est sans contredit la plus magnifique de toutes les créations de l’esprit humain; c’est ici que l’homme à vraiment crée après dieu. »
A. Toussenel

Pour définir le chien d’arrêt, on peut reprendre cette citation de Paul Megnin : « Le chien d’arrêt est le chien de chasse qui quête en silence en aspirant l’air, tête levée, les émanations du gibier, et qui, lorsqu’il rencontre, s’arrête immobile, dans une position et avec des frémissements de queue particuliers qui sont un vrai langage pour le chasseur, à qui ils indiquent, non seulement l’endroit ou le gibier est blotti, mais même l’espèce à laquelle il appartient. »

 

La période antique

Il semble que les chiens d’arrêts n’existaient pas dans l’antiquité. On prenait en effet à cette époque les oiseaux au moyen de filets, de lacets et de glu. Malgré les affirmations de certains auteurs, qui s’appuient le plus souvent sur des textes mal traduits, aucun texte antique n’y fait référence.
On a cru, plus tard, voir mention de chien d’oysel dans le capitulaire de Dagobert (VIIeme siècle) dans la phrase « que celui qui à tué un chien de chasse dit hapichunt compose avec trois sous plus son semblable ». Le mot hapichunt à été parfois traduit improprement comme signifiant chien d’arrêt, alors que le mot « hapich » signifie en réalité faucon. Il s’agit donc du chien des fauconniers, et non pas d’un chien couchant.

L’homme a probablement remarqué les aptitudes embryonnaires à l’arrêt qui existaient naturellement chez certains chiens. Il les à progressivement développées, puis fixées grâce au dressage, et à une sélection et une utilisation constante.
Certains textes antiques vont dans ce sens, et font référence, non pas à des chiens d’arrêts en tant que tels, mais à des limiers semblant posséder ces aptitudes embryonnaires -cf. Gratius Faliscus (1); et Pline l’Ancien (2)-.

 

Une apparition tardive de la fin du moyen âge?

Selon Arkwright, le chien d’arrêt est une création du moyen âge. Ce dernier fixe son apparition vers le 12eme siècle. Il se base pour cela sur les premiers documents mentionnant l’utilisation de chiens spécifiques pour la chasse des oiseaux.
Pour Jean Castaing (3) en revanche, les premiers véritables chiens d’arrêt, au sens ou nous l’entendons aujourd’hui, n’ont véritablement commencés à être fixés que trois à quatre siècles plus tard (15eme et 16eme siècle), c’est à dire au début de l’époque moderne.

Certains textes semblent en effet aller dans le sens d’une apparition relativement tardive du chien d’arrêt.
Dans cet extrait du « Ménagier de Paris » (publié en 1393), il est écrit:
« Premièrement, qui veult avoir bon déduit de l’esprevier, il est nécessité que assez tost après Pasques l’espreveteur se garnisse d’espaignols et qu’il les maine souvent aux champs quérir les cailles et les perdris… Et est assavoir que tous espaignols qui sont bons pour la chace du lièvre ne sont pas bons pour le déduit de l’esprevier, car ceux qui sont bons pour le lièvre queurent après et le chassent, et quand ils l’atteignent, le mordent, arrestent et tuent, se à ce sont duîs; et autel pourraient-ils faire à l’esprevier. Et pour ce, ceux qui savent bien trouver les perdris et la caille ne queurent point après l’esprevier, ou s’ils y vont, si sont-ils si duis que tantost qu’ils voient que l’esprevier a liée et abattue la perdris ou autre oisel et la tient sous lui, s’arrestent et ne s’approchent, iceulx espaignols sont bons, et les autres non. »
L’auteur fait allusion dans ce texte à des chiens « espaignols » servant encore de chien courant pour la chasse du lièvre vers la fin du 14eme siècle. Cela montre que, même à cette époque relativement tardive, tous les épagneuls n’étaient encore totalement spécialisés sur la chasse des oiseaux.
Même ceux qui semblent destinés à la recherche des cailles et des perdrix ne sont pas des chiens d’arrêt: ils ont encore pour mission essentielle de mettre à l’essor les oiseaux, et de ne pas se jeter sur le faucon, une fois que ce dernier se trouve au sol avec sa proie.
Ce dernier point introduit une idée particulièrement importante: il permet de déduire les critères de sélection sur lesquels les intendants des seigneurs de la fin du moyen âge ont sélectionné, consciemment ou inconsciemment, leurs chiens: un caractère moins agressif et impulsif que celui des chiens courants, et une meilleure dressabilité. le chien ne doit pas s’approcher du faucon qui maintient la caille ou la perdrix au sol, ce qui suppose un dressage.
Cette capacité au dressage suppose elle même des chiens plus proches de leur maître, et donc plus affectueux.

 

Détail fresque Italienne, vers 1400 , château Buonconsiglio, Trente, Italie

La fresque italienne ci-dessus semble confirmer que la frontière entre les chiens courants et les chiens d’arrêt n’était pas aussi nette qu’aujourd’hui, même au début du 15eme siècle. On peut y voir deux chiens, au pelage brun pour l’un, et blanc pour le second, pister le nez sur le sol, à la façon de deux limiers, des perdrix qui semblent fuir devant eux. Une attitude qui se situe bien loin de celle de nos chiens d’arrêts actuels…

 

Une création du sud de l’Europe

Pour Jean Castaing, le chien d’arrêt serait une invention du sud de l’Europe. Les seuls textes concernant ce type de chiens se trouvent en effet dans des ouvrages Italiens, Français, et Espagnols. Il s’appuie notamment sur les écrits de plusieurs auteurs : Brunetto Latini, dès 1260, parle de chiens destinés à chasser les oiseaux, Albert Le Grand (13eme siècle) décrit dans « De animalibus » comment on apprenait en Italie aux chiens couchants à tourner autour des perdrix. Gaston Phoebus les décrit également au 14eme siècle.

Enluminure représentant un groupe de chiens d’oysel, extraite du « Livre de chasse » de Gaston Phoebus, rédigé vers 1389

Le naturaliste Suisse Gesner parle en 1551 de chiens de cailles utilisés en France. On peut citer également le naturaliste Français Pierre Belon. Ce dernier décrit dans son livre « Histoire de la nature des oyseaux « , publié en 1555 des chiens d’arrêt utilisés sur cailles (4).

 Magnifique gravure en couleur représentant le fameux chien Espagnol (canis hispanicus), ancêtre de tous les épagneuls actuels, par Ulisse Aldrovandi (vers 1550). Certains auteurs envisagent la possibilité qu’il ne s’agirait pas de chiens en provenance d’Espagne (comme semble le suggérer Gaston phoebus), mais plutôt d’une déformation des termes « s’espanir « ou « s’espaignir » (se coucher), qui aurait fini par donner au final le mot actuel « Épagneul ».

Ces ouvrages permettent de cartographier la zone d’apparition du chien d’arrêt, qui comprend le sud-ouest de la France, L’Italie et l ‘Espagne. En se basant sur le gibier naturellement présent sur ces zones, ont peut essayer de déduire sur quels type de gibier les premiers chiens d’arrêt ont été utilisés: perdrix rouges et cailles des blés majoritairement, et dans une bien moindre proportion la perdrix grise, présente uniquement sur les zones montagneuses d’Italie d’Espagne ou de France (Pyrénées).
Les « chiens d’oysel » étaient dressés de façon à se coucher en présence des cailles ou des perdrix (le terme « chien couchant » est également employé pour les désigner). On lançait ensuite un grand filet, qui recouvrait le chien et les oiseaux se trouvant devant lui. Il ne restait plus alors qu’à les capturer à la main, ces derniers étant empêtrés dans les mailles du filet.

Magnifique gravure attribuée à Joseph Stradanus (Bruges, 1523 – Florence, 1605) et extraite de l’ouvrage ‘Venationes ferarum, auium, piscium. Pugnae bestiariorum: et mutuae bestiarum », publié en 1578. Elle représente une scène de chasse à la caille au moyen de filets et chiens d’arrêt.

 

Chasse au filet tirasse à caille

Gravure du 19ème siècle représentant une scène de chasse au chien d’arrêt, au moyen de filets. Si l’on compare les deux gravures ci-dessus on constate que ce mode de chasse n’a que peu ou pas évolué entre le début du 16ème siècle, et la fin du 19ème siècle, ou il était toujours usité.

Dans certains pays, cette pratique continue encore d’être utilisée comme le montrent les deux vidéo ci-dessous :

Ces dernières ont été tournées vers 2011 au Pakistan, pays ou la caille des blés est également présente. Il n’y a probablement pas de grandes différences entre la façon dont les hommes opèrent sur la vidéo, et celle des chasseurs au filet du moyen âge.

 

Étymologie

L’appellation « chien d’oysel », n’est pas sans poser de problèmes. En effet, ce terme englobe indifféremment dans les textes médiévaux l’ensemble des chiens utilisés pour la chasse des oiseaux.
Or, les chiens utilisés pour la fauconnerie (qui sont également dénommés chiens d’oysel) n’avaient pas nécessairement l’instinct de l’arrêt. Ces derniers se contentaient de poursuivre le gibier pour le faire lever, afin qu’il soit capturé par les faucons (un peu à la façon des Springers actuels).
Gaston Phoebus dans son livre de la chasse, prend d’ailleurs soin de distinguer les chiens d’oysel, servant à lever le gibier devant les oiseaux de proie, de ceux auxquels on « apprend à être couchant. ».
Le fait de se coucher en présence du gibier est donc bien le résultat d’un dressage, qui a probablement fini par devenir atavique au fil des siècles.

L’étymologie du mot chien d’arrêt semble elle-même venir directement de ce mode de chasse au moyen de filets. Le terme chien d’oiseau utilisé pour la chasse au filet se traduit en effet en Italien par « Cane de rete », et « chien de retz » en français. Le terme actuel de chien d’arrêt n’a été utilisé qu’à partir du 18eme siècle pour désigner des braques ou des épagneuls. Il ne serait donc qu’une déformation phonétique des ces expressions, et ne viendrait pas de la fonction (arrêter le gibier) comme on aurait pu le croire.

 

Le développement et le perfectionnement du chien d’arrêt (16e siècle à nos jours)

Les chiens d’arrêt semblent s’être largement répandus en France dès le 16eme siècle. Plusieurs ordonnances royales (La première fut rédigée en 1578, rapidement suivie de plusieurs autres publiées successivement en 1600,1601,1607 et 1669) émanant de Henri III, Henri IV , Louis XIII, et Louis XIV en réglementent sévèrement l’utilisation, ces derniers étant jugés trop meurtriers. Les chiens d’arrêts demeureront l’apanage exclusif des rois (5) , des princes, et de quelques privilégiés, jusqu’à la révolution française, moment à partir duquel leur usage sera toléré.
Les progrès du chien d’arrêt semblent être allés de pair, au cours des siècles suivants, avec ceux de l’armement.
L’arquebuse (l’ancêtre de nos fusils actuels) fut crée vers le début du 16eme siècle. A ses débuts, elle ne permettait de tirer les oiseaux que posés. Il fallut attendre d’une part son allègement (fin 16ème siècle), mais aussi l’invention du fusil à silex, et surtout de la grenaille (1630) pour pouvoir tirer les premiers oiseaux au vol. Rappelons qu’avant cette époque on ne tirait qu’à balle.
Jean Castaing estime que c’est vers cette période que l’on à commencé à « retenir », par le biais du dressage, les chiens au moment de l’essor du gibier. La poursuite du gibier était en effet devenue nuisible au tir (gêne pour le chasseur, ou risque de blessure du chien).

Le coût de ces armes est tel qu’elles resteront longtemps l’apanage de la noblesse et de la bourgeoisie. La tradition de la chasse aux filets et l’utilisation de chiens « couchants » s’est maintenue dans les milieux populaires plusieurs siècles durant. L’interdiction de la chasse au filet, à partir de 1842, et la démocratisation progressive du fusil au cours du 19eme siècle conduiront à sa disparition progressive. Elle s’est en réalité poursuivie sous forme de braconnage jusque vers la fin du 19eme siècle, voire jusqu’à la première moitié du 20eme siècle comme semblent le suggérer plusieurs auteurs cynégétiques .

L’expansion de la chasse à tir vers la fin du 19eme siècle, coïncide également avec la fixation de la plupart des races actuelles de chien d’arrêt. Ces dernières ne sont pas, dans la plupart des cas, des créations pures. Les éleveurs ont souvent repris, en les améliorant, de vieilles souches régionales qui existaient déjà, et fixé un standard officiel. C’est vers cette même époque que seront implantés en France les premiers Field trial (- le premier a eu lieu a Esclimont en 1888), destinés à sélectionner les meilleurs reproducteurs sur la base de leurs aptitudes au travail (ces derniers avaient été crées en Angleterre quelques décennies plus tôt).

(1) Gratius Faliscus, « Cynégétiques », « (De même était le chien métagon) »qui tombe sur sa proie en silence, évente un animal sauvage au gîte et décèle sa présence cachée par son attitude, il manifestera sa joie en remuant doucement sa queue, ou, grattant la terre avec ses pattes. »

(2) Pline l’ancien, « Zoologie », Livre VIII, LXI 40, « S’ils voient le gibier, quel silence, et quelle circonspection, en même temps quelle expression dans le mouvement de leur queue et de leur museau! Vieux, aveugles, perclus, ils rendent encore des services, on les porte dans les bras, ils éventent le gibier et indiquent sa retraite »
(3) Jean Castaing, « Les chiens d’arrêt », Éditions du Message Berne, 1960
(4) Pierre Belon « Histoire de la nature des oyseaux « , publié en 1555: « C’est ce que l’on a aprin à un chien de les sçavoir cognoistre et soudain qu’il a senty la caille, il s’arreste tout court. Les chasseurs ont un rets large nommé une tirasse, laquelle ils desployent, et vont l’un deça et l’autre dela: dont ils couvrent le chien et la caille, et par ce moyen demeure prinse ».
(5) Louis XIV était lui même un grand amateur de chiens d’arrêt et affectionnait tout particulièrement les épagneuls. Ce dernier à d’ailleurs fait représenter les portraits de plusieurs de ses chiens par le peintre A.Desportes

Jean-Luc Bayrou

Quelques ouvrages sur le sujet….

14 mars 2007 at 10 h 56 min

Aucun ouvrage n’a jamais été écrit, à ma connaissance, sur le seul thème de la caille des blés ou de sa chasse (si l’on excepte, bien entendu, les manuels dédiés à l’élevage de la sous espèce Japonaise, ou les thèses scientifiques, souvent ciblées sur un aspect particulier de l’oiseau). Les textes eux même sont rares et éparpillés: quelques pages, un article, un chapitre, placés au milieu d’un ouvrage cynégétique, souvent ancien…
J’ai donc pensé que pour plus de facilité, il pouvait s’avérer utile de les rassembler au sein d’une même rubrique.
Ces textes s’étalent sur une période allant de l’antiquité jusqu’à nos jours. Beaucoup de ces écrivains, chasseurs, naturalistes d’un autre temps, nous livrent leurs anecdotes, conseils, observations, qui restent assez souvent d’actualité. Tout cela sent le vécu, et l’on comprend en les lisant qu’ils ont beaucoup observé, et parfois même chassé ce gibier, encore abondant à cette époque en France et en Europe.

J’ai essayé, lorsque cela était possible, de joindre l’intégralité du texte, ou du chapitre, et de le rendre disponible en téléchargement, de façon à créer une mini bibliothèque en ligne. Certains de ses ouvrages sont en effet coûteux, ou difficiles à trouver. J’espère que vous aurez du plaisir à les lire, ou à les relire avec moi…

caille miniature

L’ancien testament: deux passages tirés de l’exode et du livre des nombres

14 mars 2007 at 10 h 55 min

Un des plus anciens témoignages écrit concernant la caille des blés, si ce n’est le plus ancien, est incontestablement la bible elle même (on estime que les passages les plus anciens ont été rédigés vers le 8ème siècle avant JC).
Les cailles sont évoquées à deux reprises dans un épisode de l’ancien testament.
Dans ce célèbre passage extrait de l’exode (16-13), le peuple juif effectue la traversée du désert, qui dure près de 40 ans, guidé par Moïse. Six semaines après son départ, le peuple est affamé et commence à murmurer contre Moïse et Dieu en raison du manque d’approvisionnement.
« L’Éternel, s’adressant à Moïse, dit : J’ai entendu les murmures des enfants d’Israël. Dis-leur: Entre les deux soirs vous mangerez de la viande, et au matin vous vous rassasierez de pain; et vous saurez que je suis l’Éternel, votre Dieu. Le soir, il survint des cailles qui couvrirent le camp; et, au matin, il y eut une couche de rosée autour du camp. Quand cette rosée fut dissipée, il y avait à la surface du désert quelque chose de menu comme des grains, quelque chose de menu comme la gelée blanche sur la terre. »

Bible Luther , les cailles et la manne

Bible Luther , détail montrant l'arrivée des cailles

Arrivée des cailles et de la manne sur le camp des juifs. Gravure sur bois extraite de l’édition originale de la bible de Luther (1534)

La zone ou le peuple hébreu se trouvait correspond effectivement à l’un des grands axe de migration de l’espèce qui la traverse deux fois par an.
Il faut cependant bien distinguer la manne céleste (le pain), envoyée sous forme de rosée (elle est décrite dans la bible comme ressemblant à de la graine de coriandre, et s’adaptant au goût de chacun), de l’envoi du vol de caille (la viande) sur le peuple hébreu. C’est la manne céleste, conservée dans des jarres, qui servira de nourriture aux hébreux durant les 40 ans de la traversée du désert.

Les cailles sont de nouveau évoquées dans un autre des livres de l’ancien testament racontant la traversée du désert du peuple juif, le livre des Nombres 11, 31.
Un an après le peuple Hébreu se trouve dans les environs de Qivroth-Taawa, dans le désert du Sinaï (sensiblement la même zone que lors du premier épisode). De nouveau le peuple se plaint et réclame de la viande à Moïse. Dieu fait alors pleuvoir une nouvelle fois des cailles sur le camp des juifs. Ces derniers se jettent sur les oiseaux et se livrent à des excès de nourriture. Mis en colère par ce spectacle, Dieu fait mourir en grand nombre les juifs qui se sont livrés à ces excès :
« L’Éternel fit souffler de la mer un vent, qui amena des cailles, et les répandit sur le camp, environ une journée de chemin d’un côté et environ une journée de chemin de l’autre côté, autour du camp. Il y en avait près de deux coudées au-dessus de la surface de la terre.
Pendant tout ce jour et toute la nuit, et pendant toute la journée du lendemain, le peuple se leva et ramassa les cailles ; celui qui en avait ramassé le moins en avait dix homers. Ils les étendirent pour eux autour du camp. Comme la chair était encore entre leurs dents sans être mâchée, la colère de l’éternel s’enflamma contre le peuple, et l’éternel frappa le peuple d’une très grande plaie. On donna à ce lieu le nom de Kibroth Hattaava, parce qu’on y enterra le peuple que la convoitise avait saisi. »

Planche couleur extraite du chapitre 11 du livre des nombres, bible mortier (1700)

Ces deux épisodes auraient eu lieu à un an d’intervalle, vers la mi avril, au moment ou les cailles migrent vers le nord.
Beaucoup d’auteurs ont traduit et interprété le texte ci dessus, en prenant pour hypothèse qu’il décrivait les quantités de cailles tombées sur le sol.
Guebwiller, auteur de « la bible déchiffrée », à estimé que les quantités de cailles prélevées par famille (10 homers) supposeraient que 9 millions d’oiseaux aient été abattus.
Robert Flament-Hennebique, dans « le Poil de la bête » s’est également livré à cet amusant calcul. Sachant qu’un homer à une contenance de 363 litres et que la population totale des juifs lors de l’exode correspond à deux millions de personnes environ, si l’on suit la bible à la lettre, il parvient à un total de 7 milliards de litres de cailles. Il conclut avec humour qu’à raison de 7 ou 8 cailles au litre, cela correspond à l’ensemble des cailles de la planète.
Les deux estimations sont évidemment totalement invraisemblable. Même s’il y a très probablement quelques éléments de vérité dans le récit biblique, ses auteurs avaient sans doute plus à coeur de frapper l’imaginaire des lecteurs que de livrer un récit historique exact.
Peut-être faut-il entendre, comme Guebwiller le suggère, que la hauteur de deux coudées n’indique pas les cailles tombées sur le sol, mais plutôt la hauteur à laquelle ces dernières survolaient le camp.
Plusieurs autres points du texte semblent en revanche tout à fait plausibles. Le fait que le vent se soit levé au moment de l’arrivée des cailles correspond tout à fait à leur façon naturelle de se déplacer. Les courants aériens aident considérablement les cailles à parcourir de grandes distances pendant leur migration: Le fait de planer à pour effet de réduire considérablement les efforts fournis par les oiseaux pour se maintenir en vol. Il est également fréquent que surprises par un vent contraire, ces dernières s’abattent en masse. Les oiseaux épuisés, et incapable de reprendre leur envol, peuvent alors être facilement capturés à la main. Les vols sont souvent espacés de deux jours, temps de repos nécessaire aux cailles avant de repartir. Ce dernier point recoupe tout à fait le récit biblique qui mentionne la capture de cailles pendant deux journées.
Le fait que les hébreux disposent les oiseaux tout autour du camp correspond à la façon égyptienne de préparer les oiseaux. Après avoir vidés et nettoyés ces derniers, ils sont mis à sécher au soleil. Cette coutume égyptienne est rapportée par l’historien grec Hérodote (484-425 avant JC) deux siècles après le récit biblique.
On peut s’interroger sur le fléau qui frappe le peuple Hébreu juste après l’ingestion des cailles. http://www.cailledesbles.fr/pline_l_ancien_l_histoire_naturelle2735612/

Il est très probable que oiseaux aient consommé des graines de ciguë, ce qui expliquerait des malaises, voire des décès par empoisonnement (coturnisme).  http://www.cailledesbles.fr/le_coturnisme_ou_la_revanche_des_cailles3162291/

L’historien Flavius Josephe (37-100 après JC) résume l’ancien testament dans l’un de ses ouvrages « Les antiquités judaïques » (achevé en 94 après JC).

flavius josephe

Flavius Josephe narre à sa façon les deux épisodes de la bible. Revenant sur le premier envoi de cailles, il précise qu’il s’agit d’une espèce très abondante dans le golfe arabique, et que des vols de cailles épuisées s’abattent fréquemment. Cela est dû notamment au fait que ces dernières volent à basse altitude, ce qui est beaucoup plus fatiguant.
(Antiquités judaïques, livre 3, chapitre 1 ; paragraphe 5)
« Dieu promet de prendre soin d’eux et de leur fournir ces ressources tant souhaitées. Moïse, ayant entendu cette réponse de Dieu, retourne auprès du peuple. Ceux-ci, en le voyant tout réjoui des promesses divines, passent de l’abattement à une humeur plus gaie, et lui, debout au milieu d’eux, dit qu’il vient leur apporter de la part de Dieu un secours contre les embarras présents. Et, peu après, une quantité de cailles (cette espèce d’oiseaux abonde, plus que toute autre, dans le golfe Arabique) traverse ce bras de mer et vient voler au-dessus d’eux ; et, fatiguées de voler, habituées, d’ailleurs, plus que les autres oiseaux à raser la terre, elles viennent s’abattre sur les Hébreux. Ceux-ci, les recueillant comme une nourriture préparée par Dieu, soulagent leur faim. Et Moïse adresse des actions de grâce à Dieu pour les avoir secourus si vite et comme il l’avait promis. »

le miracle des cailles

Flavius Josephe évoque également le deuxième envoi d’un vol de cailles sur les juifs, et la punition divine infligée au peuple hébreu pour ses excès de nourriture:
(Livre 1, chapitre 13, 302)
« En même temps qu’il parlait, le camp tout entier se remplit de cailles; on les entoure et on les ramasse. Cependant Dieu, peu après, châtie les Hébreux de l’arrogance injurieuse qu’ils lui avaient témoignée : il en périt, en effet, en assez bon nombre. Et, encore aujourd’hui, cette localité porte le surnom de Kabrôthaba, c’est-à-dire Tombeaux de la concupiscence. »

On peut voir ci dessous un tableau qui illustre la punition du peuple hébreu (les assiettes sont encore pleine de la viande des cailles autour des juifs frappés par la colère de dieu)

Stenay Abraham7a

Aristote, Histoire des animaux

14 mars 2007 at 10 h 55 min

Aristote est un philosophe et savant grec (stagire, 384 av. jc- Chalcis 322 av. jc). Ce dernier est notamment l’auteur, entre autres ouvrages, de « l’Histoire des Animaux ».

Aristote

Cet ouvrage est très important car il sera recopié scrupuleusement pendant des siècles, et enseigné. Il influencera encore largement les auteurs du 19eme siècle.
Aristote n’a pas un discours très structuré, et évoque parfois certains sujets dans le désordre. Aucun chapitre en particulier n’est consacré à l’oiseau, qu’il cite toutefois à plusieurs reprises. Ainsi dans le livre 8, chapitre 14, paragraphe 6, ce dernier écrit que les cailles font partie des espèces les plus fragiles, et que pour cette raison, elles émigrent en premier lorsque le temps est encore clément. Il précise qu’elles « émigrent dans le mois de Boédomion « (entre fin août et début septembre), et constate que ces dernières sont plus grasses à l’automne qu’au printemps.
Au paragraphe 9 et 10 de ce même chapitre, Aristote remarque les difficultés qu’ont les cailles à s’envoler par grand vent, ce qui facilite leur capture par les oiseleurs. A propos du cri de la caille à l’envol, il écrit encore « Et d’ailleurs c’est à cause de l’embarras dû à la grosseur de son corps que l’oiseau jette toujours des cris perçants tout en volant, tant est pénible son travail. »
Ce dernier consacre le paragraphe 11 (livre 8, chap 14) à cet oiseau:
« Quand les cailles viennent de l’étranger elles n’ont aucun chef, mais quand elles émigrent, la glottis partent avec elles, ainsi que la caille royale, et le hibou moyen ducs, et le râle des genêts. Le râle des genêts les appelle la nuit, et quand les oiseleurs entendent le coassement de l’oiseau dans la nuit, ils savent que les cailles sont en mouvement. La caille royale est comme un oiseau de marais, et la glottis à une langue qui peut se projeter hors de son bec. »
Ce passage est un peu mystérieux: il évoque pour la première fois le rôle du râle des genêts en tant que chef de migration des cailles. Pour les autres oiseaux évoqués, cela est plus difficile. Ce dernier semble faire une distinction entre la caille royale et le râle des genêts, ce qui exclut à priori qu’il s’agisse du même oiseau. Peut être s’agit il du turnix, qui possède une certaine ressemblance au niveau du plumage? Quant au glottis, il demeure une énigme, et laisse perplexe plusieurs autres auteurs.
Ce texte est important car c’est lui qui est à la base de la légende, pourtant infondée, du râle des genêts, comme étant « le roi des cailles ». Cette citation sera abondamment reprise et amplifiée par les auteurs du 19eme siècle.
Aristote mentionne également dans le texte les oiseleurs qui semblent piéger cet oiseau. Les grecs pratiquaient largement la chasse de toutes sorte de gibiers aux moyens de filets et de pièges (largement décrit par Xénophon dans « De la chasse »). Ils s’en servaient aussi très probablement pour la capture des cailles .

L’ensemble des textes sont accessibles en ligne à partir du lien ci dessous:
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/Aristote/animaux8.htm#1411

Pline l’ancien, L’histoire Naturelle

14 mars 2007 at 10 h 54 min

Pline l’ancien (23 après JC – 79 après JC) était un écrivain et naturaliste Romain.
Ce dernier est l’auteur d’une gigantesque encyclopédie en 37 volumes intitulée « L’ Histoire Naturelle ».

Pline l’ancien

Pline parle de la caille dans le livre 10, chapitre 33.
On sent ce dernier très influencé par l’histoire naturelle d’Aristote. Il reprend en effet, pour l’essentiel, les affirmations de ce dernier.
Quelques passages différent cependant. Parlant de la migration des cailles, Pline affirme qu’elle peuvent constituer un danger pour les navires.
« Elles n’en viennent pas moins de la même façon sur leurs ailes, non sans danger pour les navigateurs quand elles approchent de la terre, car il arrive à la volée entière de s’abattre sur les voiles (et cela toujours de nuit) et de submerger le bâtiment. »
L’affirmation de Pline concernant des navires coulés par des cailles est bien évidemment extravagante. Elle a cependant une petite part de vérité. De nombreux auteurs attestent que lorsque les cailles sont surprises par un vent contraire alors qu’elles traversent la mer, ou trop épuisées, ces dernières se posent en masse sur des navires.
Plus loin ce dernier écrit également « C’est donc avec l’aquilon qu’elles volent, ayant pour chef l’ortygomètre (La mère des cailles. L’auteur fait allusion au râle des genêts). La première qui approche de terre est enlevée par l’épervier. »
Pline fait allusion à une croyance selon laquelle le premier oiseau en tête de la migration est pris systématiquement par l’épervier, et que pour cette raison, les cailles choisissent pour chef le râle des genêts, qui est réputé prendre la tête de leur migration (ce qu’affirme également Aristote).
Le râle des genêts ne joue aucun rôle dans la migration des cailles, et l’on pourrait se contenter de sourire de cette légende d’oiseaux prédateurs attendant les cailles. Elle comporte cependant une part de vérité.
Un article en date du 17/04/1875 publié dans « le monde illustré » et intitulé « Braconnage sur l’îlot des Freirets » montre comment des braconniers se rendent sur des îlots situés au large de Toulon. https://www.cailledesbles.fr/braconnage_sur_l_ilot_des_freirets2568040/

Les cailles s’abattent en masse sur ces derniers, épuisées par la traversée de la méditerranée. Elle sont alors attaquées par plusieurs faucons venus les attendre. Ces derniers ont pris l’habitude de venir chasser sur l’îlot au moment de la migration des cailles. Les braconniers en profitent alors pour ramasser les cailles par centaines.
Ce texte montre bien que l’arrivée massive d’oiseaux épuisés attire forcément les prédateurs, et il est probable que les pêcheurs grecs et romains aient pu voir eux aussi des scènes de ce type.

Plus loin encore Pline écrit: « Si le vent contrarie la marche de la troupe, ces oiseaux lestent leur vol en prenant des pierres un peu pesantes, ou en se remplissant le gosier de sable. »
Pline part d’une observation réelle: les cailles absorbent de petits cailloux que l’on retrouve dans leur jabot. Partant de ce fait, Pline extrapole et en déduit que si les cailles ont des cailloux dans leur estomac, c’est pour se lester face au vent.
En réalité, les cailles ont l’habitude d’ingérer des petits cailloux, ou grains de sable, (comme beaucoup d’oiseaux granivores) avec leur nourriture, ce qui explique leur présence dans le jabot. Ces cailloux jouent un rôle dans le broyage des graines et leur digestion..
Dans un autre paragraphe il écrit « Les cailles se plaisent surtout à manger la graine d’une plante venimeuse; aussi les a t’on bannies des tables. Ce qui excite aussi contre elles de la répugnance, c’est l’épilepsie à laquelle elles sont seules, avec l’homme, sujettes parmi les animaux. »
Les empoisonnements causés par la consommation de cailles sauvages sont connus sous le nom de coturnisme. Ils consistent en des douleurs musculaires, vomissements, paralysies, le plus souvent temporaires (deux à trois jours), et semblent plus fréquents en Europe de l’ouest lorsque les oiseaux sont capturés au moment de leur arrivée, au printemps. http://www.cailledesbles.fr/le_coturnisme_ou_la_revanche_des_cailles3162291/
Il est probable que des accidents semblables se sont produits dans l’antiquité, ou la consommation de cailles était très courante. Cela explique l’affirmation de Pline quand à un éventuel arrêt de la consommation des cailles par les romains.

Il affirme plus loin (cf 44.4) que les perdrix, mais aussi les cailles mâles, se battent, et que le vaincu sert de femelle au vainqueur. Il précise que les oiseleurs capturent facilement ces oiseaux au moyen d’appelants. Il affirme enfin que les perdrix femelles (et probablement les cailles) seraient fécondées par l’action du vent, ou même de la seule voix du mâle.

L’intégralité de l’ouvrage de « l’histoire Naturelle » de Pline est disponible en ligne.
http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre10.htm

Pierre Belon, "Histoire de la nature des oiseaux"

14 mars 2007 at 10 h 54 min

Pierre Belon, (vers 1517-1564), est un naturaliste français, et l’un des plus grands scientifiques du 16eme siècle.

Belon_Pierre_1517-1564

Ce dernier est l’auteur de plusieurs ouvrages ayant trait aux animaux marins, à la botanique. C’est également un grand voyageur. Il publie en 1553 « Voyage au Levant, les observations de Pierre Belon du Mans, de plusieurs singularités et choses mémorables, trouvées en Grèce, Turquie, Judée, Égypte, Arabie et autres pays estranges ». Pierre Belon est un esprit curieux, apparemment très en avance sur son époque (ce dernier pratique déja des dissections).
Il est également l’auteur d’un important ouvrage intitulé « Histoire de la nature des oyseaux, avec leurs descriptions et naïfs portraicts retirez du naturel » (1555). Il décrit dans ce dernier (divisé en 7 livres) l’ensemble des oiseaux qu’il connaît.
Le chapitre 20 est intitulé « Des cailles et de leurs conducteurs ». Ce dernier fait ainsi référence directement au texte d’Aristote, ou il évoque des cailles guidées dans leur migration par d’autres oiseaux.

caille, pierre belon

Magnifique gravure illustrant le chapitre consacré à la caille des blés (source bibliothèque inter universitaire de médecine et d’odontologie)

Dès le début du Chapitre, pierre Belon entreprend de commenter longuement les affirmations d’Aristote.
Pierre Belon dit avoir été témoin à deux reprises de la migration des cailles (aller et retour), au cours de voyages en bateau sur la méditerranée. Certaines cailles épuisées se sont même posées sur son navire, et ce dernier a pu constater la présence de grain dans leur jabot, preuve qu’elles entreprennent ce voyage au dessus de la mer d’une traite. L’auteur décrit également certains mode de capture des cailles à l’époque: l’utilisation de filets, et également d’appeaux en cuir et en os pour attirer les mâles (surnommés « courcaillets » en référence au cri de la caille).
Plus intéressant encore, ce dernier mentionne clairement l’utilisation de chien d’arrêts pour sa chasse « C’est ce que l’on a aprin à un chien de les sçavoir cognoistre et soudain qu’il a senty la caille, il s’arreste tout court. Les chasseurs ont un rets large nommé une tirasse, laquelle ils desployent, et vont l’un deça et l’autre dela: dont ils couvrent le chien et la caille, et par ce moyen demeure prinse » .
Pour cette raison, au moyen âge les chiens employés pour cette chasse sont surnommés des chiens couchants. Cette ancienne aptitude des chiens à se coucher en présence du gibier demeure encore de nos jours chez plusieurs races de chiens d’arrêts (notamment les setters anglais, ou elle est entretenue). Il évoque déjà la conservation et l’élevage des cailles capturées dans des boites à plafond bas (comme de nos jours)
L’ ensemble du texte est accessible en ligne à partir du lien suivant:
http://web2.bium.univ-paris5.fr/livanc/?p=291&cote=00907&do=page

Ulisse Aldrovandi, Ornithologiae, tomus alter

14 mars 2007 at 10 h 40 min

Ulisse Aldrovandi (1522-1605) était un scientifique Italien renommé de la période de la renaissance.

Aldrovandi, portrait

Ce dernier n’a toutefois pas mené jusqu’à son terme le vaste projet d’encyclopédie naturelle qu’il projetait. Seuls les trois tomes de son ornithologie, et un tome d’entomologie ont été publiés de son vivant.
C’est tout particulièrement à « Ornithologia tomus alter » que nous nous intéresserons (bien que l’ouvrage soit rédigé en latin).
Aldrovandi consacre le chapitre 12 (page 150 à 174) à la caille des blés qu’il décrit très méthodiquement: moeurs, régime alimentaire, techniques de captures et d’élevage, qualités culinaires, utilité en médecine. Sont même précisée la place occupée dans les emblèmes mythologique, sacrée ou profane, ainsi que les proverbes, et symboles.
A défaut de traduction française, nous pouvons néanmoins nous appuyer sur le résumé que Buffon fait de ce chapitre.
Aldrovandi illustre le chapitre d’une superbe planche en couleur représentant les deux sexes.

caille, Aldrovandi

Ce dernier parle notamment de l’habitude qu’auraient les cailles d’emporter dans leur bec un petit morceau de bois qui les aideraient à flotter sur la mer lorsqu’elle sont fatiguées. Il insiste sur le côté querelleur de la caille et fait allusion aux combats de cailles qui sont pratiqués depuis l’antiquité. Détail culinaire enfin: il nous apprend que l’on faisait fondre la graisse des cailles, afin de la servir en assaisonnement.

caille mâle

caille femelle

Deux autres très belles aquarelles extraites d’un recueil du même auteur

L’édition originale en latin qui se trouve à l’université de Bologne est numérisée et accessible en ligne. Elle comporte de magnifiques illustrations:
http://diglib.cib.unibo.it/diglib.php?inv=33&int_ptnum=&term_ptnum=178&format=jpg&comment=0&zoom=
A noter une magnifique et énigmatique gravure de ce qui semble être un chien d’arrêt. Cette dernière est accompagnée de la légende « Canis ad coturnices capiendas pantherinus », soit littéralement « Chien à attraper les cailles ». Il s’agirait, selon certains, de la plus ancienne représentation existante de braque du Bourbonnais.

canis ad coturnis capiendas

Histoire Naturelle, de Buffon, "Les oiseaux"

14 mars 2007 at 9 h 31 min

Le comte de Buffon (1707-1788) était intendant du jardin des plantes de 1739 à 1788, jardin qui sera transformé par la suite en muséum d’Histoire Naturelle.

Buffon 1707-1788

Il est l’auteur d’une monumentale « Histoire naturelle » en 36 volumes (elle a été écrite collectivement entre 1749 et 1788), qui le rendra célèbre. Cet ouvrage a fait de Buffon un précurseur en matière d’histoire naturelle, et l’un des scientifiques les plus connus et les plus lus de son époque. Cette oeuvre sera traduite et rééditée dans plusieurs pays.

En l’honneur du troisième centenaire de sa naissance, le CNRS consacre un site très complet à ce dernier: http://www.buffon.cnrs.fr/?lang=
On peut librement consulter sur ce site son oeuvre (en version texte ou image), et même la télécharger en intégralité. Rien de moins!

L’Histoire Naturelle de Buffon est un ouvrage monument qui à longtemps fait référence. L’influence en est considérable: la plupart des encyclopédies d’histoire Naturelle, très à la mode au 19eme siècle, en sont directement inspirées.

la caille buffon, 1771

Gravure originale en couleur extraite d’une édition de 1771.

caille

Gravure originale en couleur par François Nicolas Martinet, extraite de « L’Histoire naturelle de Buffon » (1780)

Gravure allemande, buffon

Gravure extraite d’une édition allemande de l’Histoire Naturelle de Buffon (1786)

L’œuvre de Buffon à été traduite et publiée dans de nombreux pays, peu de temps après sa parution. On remarquera au passage que la gravure de l’édition allemande ci-dessus est une copie assez fidèle au niveau du style, de celle réalisée par François Martinet.

buffon 1822

Illustration provenant d’une édition Belge de 1822 (H.R. Duthilloeul et H. Tarlier, Bruxelles)

Gravure anonyme 1837

Gravure provenant d’une édition de 1835, augmentée de la classification de Cuvier

cailles , buffon

Illustration provenant d’une réédition (fin 19eme Siécle)

Dans le Tome XVII, Buffon consacre pas moins de 38 pages à ce petit oiseau qu’est la caille. Ce chapitre est remarquable (à l’image de l’ensemble de l’ouvrage), et réalise une synthèse parfaite des connaissance de l’époque sur sa biologie.
Il est librement consultable à partir du lien ci-dessous:
http://www.buffon.cnrs.fr/ice/ice_page_detail.php?lang=fr&type=text&bdd=buffon&table=buffon_hn&bookId=17&typeofbookDes=hn&pageChapter=La+Caille.&pageOrder=456&facsimile=off&search=no

Buffon ne se contente pas de réaliser une énième compilation, comme nombre de ces prédécesseurs: Il essaie d’adopter une démarche rationnelle, scientifique.
Le chapitre concernant la caille est l’illustration parfaite de cette démarche novatrice. Il rassemble de précieuses références bibliographiques, très complètes, sur l’oiseau et démontre une immense érudition. Le point de vue de chacun des auteurs est habilement inséré et commenté.
L’auteur du texte est, très probablement, l’abbé Gabriel Bexon (1748-1784) qui a largement collaboré à la rédaction des volumes de l’histoire Naturelle consacrés aux oiseaux.
Ce dernier pressent le rôle des vents favorables dans la migration des cailles, et se montre parfois sévère quant au manque évident de bon sens de certains auteurs anciens. Il fustige également ses propres contemporains qui continuent de compiler les œuvres antiques, sans prendre aucun recul vis à vis de leur contenu.
Il rapporte certaines croyances concernant la migration des cailles: Selon Oppien, la présence de petits cailloux dans le jabot des cailles s’explique par le fait qu’elles laisseraient tomber ces derniers un à un durant leur vol, afin de vérifier le moment ou elles ont dépassé la mer. L’auteur rappelle que cette croyance est erronée, et que les cailles avalent de petites pierres avec leur nourriture (ce qui leur permet de mieux digérer), comme beaucoup d’oiseaux granivores.
Il parle également du phénomène des cailles résidentes, qui ne touche toutefois qu’une petite partie des oiseaux, et fait allusion aux combats de cailles qui existent depuis l’antiquité, et se perpétuent encore au 18eme siècle. Il note enfin que ces dernières se prennent très facilement dans les pièges lorsqu’elles sont attirées par des appelants, ou au moyen d’un appeau.

Elzear Blaze, "Le chasseur au chien d’arrêt"

14 mars 2007 at 8 h 36 min

Voici probablement l’un des grands classiques de la littérature cynégétique française.
Dans cet ouvrage paru en 1836, Elzear Blaze (1788-1848) entreprend à la mode du XIXeme siècle, d’éduquer le chasseur au chien d’arrêt. Tous les sujets sont abordés: de la façon de se vêtir, de tirer, jusqu’aux moeurs du gibier, et à la façon de l’accommoder…

Ce dernier consacre pas moins d’un chapitre complet à la caille des blés (pages 141 à 153). Elzear Blaze reprend maladroitement l’affirmation selon laquelle les cailles se poseraient sur l’eau lors de leur migration pour se reposer, et se hasarde même, sur le fait que la petite membrane sur leur patte « n’est pas faite pour rien ».
Ce dernier parle des effroyables destructions de gibier qui ont eu lieu pendant la révolution de juillet, et conclut: « Aussi le nombre de cailles diminue tous les ans, et bientôt on en verra plus. » Il incrimine principalement les chasses de printemps sur les côtes de provence, qui donnent lieu à de véritables massacres de cailles.
Après avoir rappelé certaines légendes et coutumes, ce dernier aborde le sujet de sa chasse. C’est un gibier dont il connait apparemment très bien les moeurs pour l’avoir beaucoup pratiqué.
Concernant le tir de la caille, Elzear Blaze écrit: « C’est le gibier qu’on approche et qu’on tue avec le plus de facilité. Sur trente cailles qu’il tire, un chasseur expérimenté doit en tuer 28 ». Cette affirmation outrancière lui vaudra les critique de plusieurs autres auteurs, et de la presse cynégétique de l’époque qui avait même lancé un pari de 1000 écus afin de démontrer le caractère très exagéré de cette affirmation. Plus loin, Blaze se contredit d’ailleurs en partie puis qu’il écrit « Quelquefois, et surtout lorsqu’il fait du vent, la caille part en zigzag; alors elle est très difficile à tirer: il faut la suivre avec le bout du canon, saisir le point d’intersection des deux lignes, et profiter du moment: on ne réussit bien ce tir qu’avec une grande habitude. »
Ce dernier cite des anecdotes de chasse la concernant, et résume la pensée des principaux naturalistes connus de lui concernant la caille et sa biologie. Il accrédite également un certains nombre de superstitions (hirondelles trouvées dans la glace en laponie, et qui reprennent vie au contact du feu, ou cailles trouvées dans des murs)
A propos de sa chasse Il écrit notamment:
« La caille est l’espèce de gibier qui donne au chasseur le plus d’agrément; une plaine garnie de cailles est une source de plaisirs toujours nouveaux, sans cesse renaissants. En effet, quand vous aurez battu la campagne à plusieurs reprises, lièvres et perdreaux ont disparu. Les cailles sont restées, elles sont partout: cherchez, vous en trouverez encore. (…) Elles partiront l’une après l’autre, chacune se laissera chercher, chasser, arrêter par votre chien, et le plaisir se renouvellera dix fois; vous voyez que ce n’est pas trop mal. »
Voici le texte intégral du chapitre 13 , ci dessous accessible en téléchargement:

Elzear Blaze, le chasseur au chien d'arrêt

Alexandre Dumas (père): quelques textes choisis

14 mars 2007 at 8 h 35 min

Alexandre Dumas (1802-1870) est un des écrivain français les plus célèbres dans le monde. L’oeuvre rédigée par ce dernier est monumentale et fait désormais partie des classiques de la littérature française. Alexandre Dumas repose d’ailleurs depuis 2002 au Panthéon.

Alexandre_Dumas

Un magnifique site dédié à Alexandre Dumas à été crée par l’association « Les amis de Dumas. En plus de sa biographie et de nombreuses gravures, ces derniers ont mis en ligne certains de ses ouvrages: http://www.dumaspere.com/index.html
On peut s’étonner de trouver au milieu de naturalistes et d’auteurs cynégétiques un écrivain comme Dumas, quand il s’agit de cailles. Et pourtant, ce dernier, chasseur à ses heures, parle à plusieurs reprises de cet oiseau dans son oeuvre.

Dans un ouvrage intitulé « La san felice » (1864), et dont l’action se déroule en Italie, apparaît une magnifique scène de chasse à la caille au chien d’arrêt mettant en scène le roi d’Italie Ferdinand et deux autres chasseurs qui l’accompagnent.
Cette scène est censée se dérouler dans les jardins de la Bagaria en Sicile et dans les collines environnantes qui donnent sur la baie de Palerme. Le roi Ferdinand, tout occupé à sa chasse fait le pari qu’il tuera 100 cailles, sans en rater une seule. Tandis que ce dernier continue à tirer des cailles, des messagers le pressent de rejoindre Palerme ou la reine est en train d’accoucher. Malgré les nouvelles alarmantes ce dernier poursuit sa chasse jusqu’au moment ou il remporte son pari. Il regagne alors à bride abattue Palerme, ou la reine vient de mettre au monde un fils.
Ce texte semble faire écho à la déclaration d’Elzear Blaze, (Le chasseur au chien d’arrêt, 1836) dans laquelle ce dernier affirme que sur trente cailles qu’il tire le bon chasseur doit en tuer 28 (affirmation déjà exagérée qui lui avait valu des critiques). Alexandre Dumas à lu ce livre, best seller cynégétique de l’époque, puisqu’il y fait référence directement dans d’autres textes, et à peut être même rencontré Blaze dont il était un contemporain. Le texte de Dumas, semble peu crédible puisque les protagonistes sont censés en avoir tué un peu moins de 300 (dont le roi 100 sans en rater une seule). Si les densités de cailles en Italie sont depuis toujours réputées (surtout la Sicile et la baie de Naples) cette scène de chasse, très bien décrite par ailleurs, relève bien du roman…
Le chapitre intégral est ici consultable en ligne:
http://www.dumaspere.com/pages/biblio/chapitre.php?lid=r55&cid=177

Dans un autre ouvrage intitulé « Les aventures de John Davys » (1840) Dumas raconte une scène ou le héros accoste sur l’île grecque d’ortygie -soit littéralement en grec l’île aux cailles- (Delos), et où plusieurs marins du navire s’adonnent à la chasse de la caille aux moyens de filets. Ces derniers se sont servis d’appeaux qui imitent le cri de la femelle de la caille, afin d’entraîner les mâles sous leurs filets et ont réalisé une chasse superbe.
Le chapitre intégral est ici consultable en ligne:
http://www.dumaspere.com/pages/biblio/chapitre.php?lid=r6&cid=24

Voici une gravure d’Alexandre Dumas que j’aime beaucoup et qui représente ce dernier en pleine inspiration pendant la rédaction de ses ouvrages:

-Alexandre Dumas en pleine inspiration

« Le grand dictionnaire de cuisine » est un ouvrage posthume qui a été publié en 1873. Dumas consacre un chapitre complet à la caille. Ce dernier parle de sa migration dont il dit avoir été témoin au cours de ses voyages en méditerranée. Il parle d’importants passages sur les côtes et les îles italiennes (notamment la baie de Naples). Les cailles arrivent de nuit dans un tel état d’épuisement que l’on peut les ramasser à la main.
Dumas écrit au sujet de la caille: « La caille est, parmi le gibier proprement dit, ce qu’il y a de plus mignon et de plus aimable. »
Ce dernier introduit une longue liste de recettes (26 en tout!) en disant:
« On fait acte d’ignorance culinaire toutes les fois qu’on la sert autrement que rôtie et en papillote, parce que son parfum est très fugace et que, toutes les fois que l’animal est en contact liquide, son parfum se dissout, s’évapore et se perd. Nous n’en donnerons pas moins les différentes manières de préparer les cailles, tout en insistant pour qu’on les mange rôties ».
L’intégralité du chapitre, ainsi que les recettes de cuisine sont accessibles à partir du lien ci-dessous:
http://www.dumaspere.com/pages/biblio/chapitrecuisine.php?lid=c1&cid=239