Un curieux appeau à cailles…
Voici une anecdote savoureuse publiée le 20 mai 1882 dans un article du célèbre journal hebdomadaire « La chasse illustrée ». Ce récit, un peu gaillard, arrive en conclusion d’un très bel article Mr G. de Magnitot concernant l’inapplication de la loi de 1844, censée interdire le commerce des cailles en dehors de la période de la chasse.
« (…) Ceci me remet en mémoire une anecdote tant soit peu gauloise que je ne sais trop comment vous raconter; enfin je vais essayer, il sera toujours temps de m’arrêter.
Dans une petite ville de province menaient ensemble joyeuse vie trois farceurs de la plus belle venue, tous joyeux compagnons. A nul on n’aurait pu reprocher son innocence, mais à l’un des trois certaine bonne dose de naïveté gobeuse. Un soir, le chant des cailles arrive jusqu’aux oreilles de nos amis; et de parler de la possibilité de les attirer jusqu’aux pieds. Question de notre naïf: Pourquoi? comment? Avec quoi?
Une idée diabolique traverse la tête de l’un des deux autres compères. D’un signe il prévient son copain et dit au questionneur:
-Mais mon cher, rien n’est plus simple, tout vigoureux gaillard comme nous a sur lui tout ce qu’il faut pour imiter dans la perfection le chant des cailles et les attirer.
-Tu te moques!
-Pas du tout; tiens, je vais aller prendre mon chapeau, nous allons sortir et tu verras!
-Pour l’intelligence de la chose, il vous faut dire que l’appeau à cailles est une sorte de petit sac de peau rempli d’air, terminé par un sifflet en os ou en métal; de petits coups répétés sur le sac chassent l’air au travers du sifflet et produisent le son voulu.
Or notre homme s’éclipse un instant et revient avec canne et chapeau, mais il avait, le traitre, organisé un appeau à cailles dans sa… dans son…Les anglais disent shocking!
On arrive aux champs… Tiens, vois tu, il ne s’agit que de frapper la, et comme cela!… Et, en effet, des profondeurs…sort distinct le cri connu, auquel répond bientôt tout à côté une caille accourant dans les blés verts.
-C’est prodigieux! s’exclame notre naïf, je n’aurais jamais cru à la possibilité de ce nouvel usage! Et tu dis que c’est facile?
-Comment donc! mais tu serai le seul qui ne réussirait pas. Tiens… place toi.. comme cela…bon! frappe…
L’autre essaye sans résultat, comme on pense bien.
-Mais ça me fait mal!
-Tu t’y prend mal! tiens, vois, moi! plus sec et plus fort!
Le plus fort, c’est qu’il se mit à frapper en effet, et si rudement, que la douleur qu’il se causa l’empêcha seule de remarquer tout de suite ses deux amis se tordant de rire.
Il en fut malade, il avait cogné en conscience et pas à côté. Les amis sont terribles! Le lendemain toute la ville se racontait, au besoin derrière l’éventail avec de petits rires étouffés, l’histoire de l’appeau à cailles de X… On en parle encore et je tiens l’histoire du mystificateur lui même. »
G. De Magnitot
Pour en savoir davantage sur les appeaux à cailles (les vrais!!) et leur utilisation:
http://caille-des-bles.blog.fr/2007/03/11/appeau-a-caille-7558695/
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