Le coturnisme (ou la revanche des cailles?)
Le coturnisme est un empoisonnement provoqué par l’ingestion de chair de caille sauvages (caille des blés). Il se manifeste par les symptômes suivants: Faiblesse généralisée, fièvre, extinction de la voix, douleurs musculaires, paralysie des membres inférieurs, vomissement, décoloration des urines, gastro entérites sèvères. Des troubles cardiaques, ou des insuffisances rénales, peuvent également survenir et provoquer la mort dans certains cas.
Les symptômes surviennent dans un délai d’une heure et demie à 10 heure après la consommation des oiseaux, et persistent généralement un à deux jours (jusque 10 jours dans certains cas extrêmes).
Les cas de coturnisme ont été principalement constatés dans les régions suivantes: le nord de l’Algérie (mais aussi l’Afrique du Nord), le sud de la France, la Grèce, la péninsule su Sinaï, le sud-ouest de l’ex URSS, et le nord-est de la Turquie.
Phénomène curieux: les cas d’empoisonnement constatés en Algérie et en France sont survenus à la suite de la consommation de cailles en train d’effectuer leur migration vers le nord, au printemps. Aucun empoisonnement ne semble être survenu pendant la migration retour de l’automne (période ou les cailles sont traditionnellement chassées en France, et ou on peut donc les consommer sans danger).
Au contraire, en Grèce et dans le sud ouest de la Russie, les cas d’empoisonnement ont été constatés lors de la migration d’automne.
Ces empoisonnements sont d’autant plus étranges que rien ne permet de différencier les oiseaux sains des oiseaux porteurs des toxines, et qu’au cours d’un même repas, certaines personnes s’empoisonnent tandis que d’autres sont indemnes.
Ce type d’empoisonnement est connu depuis l’antiquité. La bible fait en effet référence dès le 7eme siècle avant JC (livre des Nombres 11, 31) à des empoisonnement par ingestion de cailles (voir article « Ancien testament: deux passages tirés de l’exode et du livre des nombre », rubrique bibliographie).
Les hébreux frappés par la colère divine après leurs excès.
Certains auteurs de l’antiquité, comme Pline l’ancien, ont expliqué ces empoisonnements par le fait que les cailles ingèrent en quantité des graines de cigüe (voir article « Pline l’ancien, Histoire Naturelle », dans la rubrique bibliographie), ou certains insectes toxiques.
La grande cigüe (Conium Maculatum) est une plante herbacée bisannuelle de la famille des apiacées.
Elle pousse à l’état sauvage dans les régions tempérées de l’Eurasie, en Afrique du Nord et dans le sous-continent indien.
Toutes les parties de la plante sont toxiques. Cependant, ce sont les fruits verts qui contiennent la plus grande concentration d’alcaloïdes (et notamment la conine). La cigüe servait dans la Grèce antique à l’exécution des condamnés à mort (Socrate fut condamné à boire une potion fabriquée à base de cette plante).
Grande cigüe
Des recherches ont été conduites en 1947 sur ce sujet par le Docteur Edmond Sergent, Directeur de L’institut Pasteur d’Alger.
Ce dernier à gavé pendant plusieurs jours des cailles sauvages avec des graines de cigües fraiches, préalablement broyées. Les oiseaux n’ont manifesté aucun signes d’intoxication. Tuées quelques jours après, les cailles ont été vidées et servies légèrement rôties à des chiens. Ces derniers ont manifesté entre 2 et 4 heures après le repas des signes d’intoxication (perte d’équilibre, parésie pattes postérieures). Le Dr Sergent remarque cependant que l’intoxication ne se produit que lorsque les chiens consomment des oiseaux nourris avec des graines fraiches. Aucun symptômes n’apparait lorsqu’ils consomment des cailles nourries avec des graines de cigüe récoltées et séchées depuis plusieurs mois.
De nouvelles recherches, menées en 1980 (Kennedy, Louis Grivetti EL. Toxic quail: a cultural-etiological investigation of coturnism. Ecol Food Nutr 1980;9:15-42.) ont semblé remettre en question la piste de la cigüe. Lors de nouvelles expériences, il est apparu que les oiseaux nourris avec des graines de cigüe, ou des insectes toxiques, succombaient peu après. On remarquera cependant qu’elles ont été menées sur des cailles japonaises, et non pas sur des cailles des blés (comme l’avait fait le Dr Sergent).
Il est donc possible que la caille des blés ait développé au fil du temps une résistance aux graines de cigüe, contrairement aux cailles japonaises (la cigüe ne figure pas dans l’aire de répartition naturelle de cet oiseau).
Fait plus troublant, les scientifiques ont constaté que dans certaines zones géographiques ou les empoisonnements sont survenus, la grande cigüe, dont les graines sont présumées responsables des intoxications, n’est pas toujours présente.
Les graines d’une autre plante, de la famille des menthes, l’épiaire annuelle (Stachys annua) pourraient être en cause. Ces dernières ont été retrouvées par des chercheurs russes dans les intestins de plusieurs cailles ayant directement provoqué des empoisonnements.
Epiaire annuelle
Photo publiée avec l’aimable autorisation du site: http://perso.orange.fr/erick.dronnet/index.htm
Aucune étude complète n’ayant encore été réalisée sur le sujet, le coturnisme reste donc une forme d’empoisonnement mystérieuse, et encore aujourd’hui partiellement inexpliquée.
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